Performance
Le culte de la performance est répandu. C’est bien de tenter de se dépasser, d’aller au bout de soi-même, et même un peu au-delà. Il faut cependant s’interroger sur le contenu de la performance.
La conférence de Rio plus 20 est présentée comme un échec. Un accord a minima, entre les pays du Sud qui craignent pour leur croissance, et ceux du Nord divisés et accrochés à leurs modes de vie. Un échec annoncé, qui ne surprend guère.
Comment mobiliser les pays sur l'idée de restrictions et d'efforts, pour ne pas dire de pénitence. La terminologie courante en matière de lutte contre l'effet de serre évoque un « fardeau » à se partager. Rien d'étonnant à ce que les volontaires ne se bousculent pas.
Le développement durable présente de nombreuses opportunités. On parle d'économie verte. C'est la carte que l'on joue sur fond de décor dramatisant. Elle ne semble pas avoir convaincu. Le développement durable coûte cher, il crée des obstacles à la croissance. Et en plus, il faudrait sacrifier sur son autel une indépendance économique si difficilement conquise, quand bien même elle l’est.
Le développement de durable venant d'en haut, des Nations unies ou de tout autre autorité planétaire est bien difficile à faire accepter. Faut-il pousser toujours plus fort dans cette direction, faut-il manifester et se plaindre de l'incurie de nos dirigeants ?
Sans négliger l'intérêt d'une organisation mondiale, il vaut mieux chercher autre chose. Reprendre l'expression du paysagiste Gilles Clément, faire « avec » le plus possible, « contre » le moins possible(1). La macro économie ne s’imposera pas aux acteurs, mus par des intérêts micro-économiques. Le développement durable, nécessaire d'un point de vue global, doit trouver sa place à l'échelle locale. Retour aux fondamentaux, penser global et agir local. La contribution du secteur du bâtiment, en France, au Grenelle de l'environnement illustre cette approche gagnant gagnant. L'intérêt des acteurs et celui de la collectivité doivent converger. L'ambition du Grenelle de l'environnement dans le secteur de la construction rencontre chez les Professionnels un besoin de transformation et d'évolution technique. Le développement durable apporte au changement attendu une ligne de conduite, il lui donne des objectifs à atteindre et une feuille de route. Il crée une dynamique.
Il ne s'agit pas ici, à proprement parler, d’économie verte. C'est un nouveau cadre qui s'élabore pour répondre aux besoins de logements et d'équipements. Les critères d'appréciation de la qualité s’adaptent au contexte qui se fait jour : la finitude du monde. Notre monde a des Limites, nous en sommes proches et même peut-être parfois les avons-nous dépassées. L'économie Ancienne, fondée sur l'idée d'un monde sans limites, aux Ressources inépuisables et capables d'absorber tous nos rejets, doit laisser la place. Le développement durable n'est autre que la recherche de nouveaux modèles de développement intégrant une vision moderne de l'économie. Vision classique aussi puisqu'elle ne remet au cœur des réflexions le principe de rareté des ressources disponibles.
La révolution industrielle et une certaine idée du progrès avaient pu laisser entendre que l'on pouvait repousser les limites toujours plus loin. Nous savons aujourd'hui que cette croyance n'est pas durable dans tous les sens du mot. La performance à laquelle nous invite la nouvelle économie ne consiste pas à trouver de nouvelles ressources, mais de faire un bon usage de celles dont nous disposons. Cette performance est symbolisée par un mot : « Facteur 4 », pour reprendre le titre d'un rapport élaboré pour le club de Rome il y a quinze ans(2). Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources.
Le développement durable n'est pas une contrainte, il représente une Etape dans la vie de l'humanité, une étape fondée sur l'intensification dans l'usage des ressources, au lieu de l'expansion continue à la recherche de nouvelles ressources. La performance a changé de nature. L'ancien monde résiste à cette évolution. Il faut amortir les vieux brevets, les techniques traditionnelles. On fait durer les équipements du passé. C'est bien normal, les super pétroliers ne change pas de cap facilement. Il y a une transition, le mot est à la mode, à imaginer pour que tous les acteurs adhèrent progressivement aux nouveaux « modes de pensée ». Einstein nous a appris qu’on ne résolvait pas les problèmes avec le mode de pensée qui les a créés.
Un nouvel équilibre doit voir le jour, et il ne sera pas imposé brutalement, à moins que la pénurie et les catastrophes nous y contraignent. La dynamique de ce changement est associée à la conception que nous avons de la performance. Celle-ci est trop souvent associée à la technique, la vitesse et la puissance par exemple, au lieu de l’être au bien-être qui résulte de leur utilisation. Développement durable est synonyme d’efficacité, laquelle ne se mesure vraiment qu’en services rendus en regard des ressources mises en œuvre. Dans un monde « fini », il représente l’approche moderne de l’économie, qui se substitue progressivement à celle de Brettons Woods. Mais nous ne sommes pas en 1945, à l’issue d’un conflit majeur qui obligeait à refonder les systèmes économiques. Le Jeu des acteurs n’est plus le même, la micro économie ne se fera pas imposer sa loi, il faut la convaincre. Avec une définition renouvelée de la performance.
1 - Le jardin planétaire, 2000
2 - Facteur 4, Rapport au club de Rome, Ernst U. Weizsäcker, Amory B. Lovins et L. Hunter Lovins, 1997, Terre Vivante
Chronique mise en ligne le 24 juin 2012
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