Local
La ville durable serait-elle la ville inscrite dans son territoire, à l'équilibre, vivant exclusivement sur ses ressources locales ? Une approche instructive est menée dans ce sens par les cuisiniers parisiens. 100% local.
Truite au champagne, gratin de céleri, pommes fruits, petit gâteau de carotte à la ciboulette, ou encore volaille de géline rôtie, en panure de moutarde de Meaux, pomme boulangère & légumes de saison : deux exemples de menu « terroir » proposés par Le Méridien Montparnasse dans sa gamme 100% local .
Tous les ingrédients sont produits à moins de 200km de Paris. Avec le rythme des saisons et la slow food, voici une autre piste de durabilité, la proximité géographique. Local.
La preuve est ainsi administrée, par quelques grands chefs de restaurants parisiens de prestige, unis autour du même concept, que l’on peut vivre très bien sur son propre territoire, que l’on nomme alors « terroir », ça fait plus chic. A l’heure de la mondialisation, ce retour aux produits régionaux fait sensation. Notre empreinte écologique, qui représente notre prélèvement sur les ressources naturelles, est composée pour un tiers environ de notre alimentation. Le transport en avion de produits exotiques alourdit notablement ce bilan, et la valorisation de la production locale en est d’autant plus intéressante. Mais il faut aller au-delà, il y a d’autres avantages à cette démarche de proximité.
Elle favorise aussi l’économie locale, et pourrait conduire à une diversification bienvenue de nos cultures et de nos paysages. La spécialisation conduit vite à l’uniformisation, avec ses conséquences sur l’appauvrissement des sols et l’affaiblissement de la diversité biologique. Le 100% local des grands chefs s’inscrit dans la même philosophie que les paniers et autres AMAP (1), qui tendent à renforcer les liens entre les villes et les campagnes environnantes. En refusant les produits d’importation, elle pourrait entraîner un renouvellement de l’agriculture du Sud au profit de cultures vivrières, au lieu de cultures d’exportation.
Saluons donc cette tentative de « reterritorialisation » de l’agriculture, avec ses effets ici et là-bas. Attention toutefois aux excès de zèle. Les circuits courts, c’est bien, mais faisons les comptes complètement. L’importance de l’éloignement dans le bilan environnemental porte en bonne partie sur l’énergie dépensée en transport et conditionnement. Il n’y a donc pas que la Distance, mais aussi le mode de transport. Mieux vaut 500 ou 1000 km en bateau ou en train que 100 en camion. Le mode d’acheminement est aussi important que le nombre de kilomètres. Ce serait plutôt un bilan carbone qui serait utile, un bilan pour chaque plat, avec l’énergie nécessaire pour le cuisiner additionnée à celle dépensée pour produire les denrées de base, les apporter jusqu’à la cuisine, avec une déduction de l’énergie récupérée par fermentation des résidus, le cas échéant. Mais faisons l’hypothèse qu’à mode d’approvisionnement constant, et à manière de préparer comparable, le rapprochement géographique est un facteur d’économies d’énergie. Utilisons tous les leviers en notre possession, au fur et à mesure que nous apprenons à les manipuler. Et les autres avantages restent acquis, et la proximité conduit naturellement à entrer dans les rythmes naturels et à respecter les saisons.
Evitons aussi l’intégrisme. Dans les 2 sens. Se fournir dans un rayon de 200km ? Et pourquoi pas 100 ou 50 seulement ? Certains calculent l’empreinte écologique d’une ville ou d’une agglomération, et s’en tenant à son périmètre administratif. C’est supposer que la ville doit vivre sur elle-même, alors que depuis toujours elle rayonne sur un territoire. L’équilibre est à trouver sur une zone d’influence, non pas sur un périmètre qui opposerait la partie centrale, dense par construction et par conséquent stérile, à la périphérie, dont la production alimentaire serait supérieure à ses propres besoins. A l’opposé, on peut regretter que cette discipline, 100% local, prive les habitants du Nord de la France de l’huile d’olive et de nombreuses épices qui relèvent la saveur des plats. Fini la vanille et le café., le chocolat et le poivre. C’est un peu dommage, d’autant que les épices ne pèsent pas lourd, et que l’on doit pouvoir les obtenir dans un cadre équitable. Donnons-nous des respirations, cela n’empêche pas de privilégier la production locale.
Réflexion amorcée pour la nourriture, à étendre aux autres nécessités de la vie, à l’énergie, aux loisirs, aux matériaux et aux matières premières. La mondialisation offre des opportunités extraordinaires, et l’accès à des biens venant des quatre coins du monde est un véritable plaisir. Mais n’avons-nous pas été trop loin, grâce à la remarquable efficacité des transports, et à leur coût sans doute très sous évalué ? Ne faut-il pas tenter de résoudre nos problèmes d’approvisionnement dans nos propres territoires, et faire appel à des ressources lointaines pour apporter le « plus » et non la base, comme les épices qui révèlent les saveurs inexplorées de produits traditionnels ?
1 - Association pour le maintien d’une agriculture paysanne
Chronique mise en ligne le 8 avril 2010
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