Accéder au contenu principal

Moral et morale

Il faut démoraliser le développement durable pour lui redonner le moral. Démoraliser au féminin pour en finir avec la morale, le côté donneur de leçon, culpabilisant, de manière à ouvrir de nouvelles perspectives au mouvement écologiste et lui remonter le moral.

Effectivement, nous avons pu croire que l'exhortation à la morale, ancienne, mais renouvelée par Greta Thunberg, ses interventions où elle appelle la honte sur les dirigeants incapables de freiner la dégradation du climat, ont permis une prise de conscience et une large mobilisation, notamment des jeunes. Le climat trouvait ainsi une place dans le top les préoccupations des Français, les écolos gagnaient des points dans les élections. Un succès d'estime mais sans conséquence durables. Le Green deal qui en a résulté se révèle fragile, et se trouve attaqué à la moindre manifestation de faiblesse de l'écologie dans l'opinion. Ajoutons que l’argument d'urgence, maintes fois agité, ne peut que s'atténuer au fur et à mesure que les échéances se succèdent sans succès apparent. « L'écologie c'est fini ! » pourrait-on croire au vu des reculs observés en Europe et en France sur toutes les mesures patiemment accumulées au cours des décennies pour protéger l'environnement, mobiliser les citoyens et accompagner la transition.
La morale exige un traitement judicieux et non une forme brutale qui nous tombe dessus. La morale agressive, ça ne marche qu'un temps, et ça se retourne vite au moindre coup de vent.

La pression morale est anxiogène, et ne fonctionne que si un débouché crédible est en vue. Les solutions existent, techniquement parlant, mais nous connaissons tous les obstacles à franchir, politiques, culturels, juridiques, financiers et sans doute bien d'autres. Les solutions sont même rentables en macro-économie. Nicholas Stern nous l’avait annoncé dès 2006 à l’échelle planétaire, et le tout récent rapport de la Cour des comptes nous le rappelle pour notre pays.

L’approche moralisatrice a fini par détruire l'idée que le développement durable pouvait être rentable, une bonne affaire pour tout le monde. Le profit et la morale ne feraient pas bon ménage semble-il. Les initiatives des entreprises et de collectivités pour aborder la transition n'en ont pas été facilitées, et pourtant elles sont nombreuses. Elles sont aussi incontournables, compte-tenu de l’impact de leurs activités. Comment changer les modes de production et de consommation sans la contribution des entreprises ? L’écologie n’y entrera pas en force, sans leur adhésion, les règlements étant là principalement pour donner un cap et secouer les derniers de la classe, qui hésiteraient à franchir le pas. "Faire avec le plus possible, contre le moins possible" nous dit le paysagiste Gilles Clément. Nous ne forcerons pas les acteurs économiques, il faut leur donner envie du changement. La morale ne semble pas être le meilleur argument pour cela. Ne l’abandonnons pas pour autant, mais n’en faisant pas l’arme absolue que certains ont imaginée.

Il y a bien d’autres leviers à actionner pour aller vers le changement, qui ne soient pas anxiogènes ni culpabilisants. Il y a la robustesse, cette capacité à résister aux fluctuations de toutes nature, géopolitiques, climatiques, démographiques, etc. en s’adaptant aux circonstances. y a l’orgueil d’être le premier, ou une vedette dans son domaine. Le côté « défi », la capacité à surmonter des difficultés, à innover, à découvrir, à explorer des voies nouvelles. Il y a le plaisir, tel que le mouvement slow, slow food, slow cities, etc. le perçoit, le plaisir de profiter de la vie, des relations sociales et des bienfaits de la nature. Les émotions sont une source infinie de satisfactions de faible impact écologique, ou même souvent favorables à l’environnement. Le sport et la culture en sont des illustrations bien connues. Et il y a le souci d’économies, les solutions basées sur la nature étant bien moins couteuses que celles qui font appel à des techniques sophistiquées.

Il est bien sûr satisfaisant d’être conforme à la morale de son époque. Mais attention à ne pas en faire un cadre rigide qui nous enferme, d’autant plus que ses principes ne sont pas tous universels et intangibles. La créativité est un formidable moteur de changement, et il serait bien plus judicieux de la stimuler et de l’orienter que de la cantonner dans un registre retreint et déjà bien occupé. La créativité, pour redonner le moral !


La créativité au secours de la croissance et du développement durable

Edito du 8 octobre 2025

  • Vues : 62

Ajouter un Commentaire

Enregistrer