Levier
En guise de voeux, commençons cette année 2011 par une réflexion sur la manière de booster le développement durable. Sur quels leviers appuyer pour accélérer la prise de conscience qui débouche sur le passage à l'acte ?
Le développement durable a besoin de coups d’accélérateurs.
C’est un nouveau modèle de développement qu’il faut trouver, et on n’y parviendra pas par de simples améliorations à la Marge, ou par une itération laborieuse. Il faut « changer de braquet ». L’effet de serre illustre parfaitement ce besoin, avec le facteur 4, à savoir diviser par 4 les émissions de Gaz à effet de serre d’ici 2050. Le développement durable est un concept général, universel, et par suite abstrait, et chacun se demande comment y contribuer : il faut le convertir en termes opérationnels, aisément identifiables. Il faut des leviers pour soulever le monde.
Dans le secteur de la construction, il y a eu la Démarche Haute Qualité Environnementale (HQE), lancée en 1996, rejointe, à la suite du Grenelle de l’Environnement, et avec de nouvelles performances en perspective, par les bâtiments basse consommation (BBC), et les bâtiments à énergie positive (BEPOS). La réglementation thermique qui vient d’être adoptée, et qui s’appliquera dès la mi 2011, traduit une Dynamique spectaculaire. La Consommation d’énergie des nouvelles constructions devra être à peu près trois fois plus Faible que celle des bâtiments construits selon les règles actuelles. C’est un saut qualitatif qui est exigé. Nombreux sont ceux qui ne croyaient pas à cet engagement du Grenelle, considéré comme utopiste. On constate aujourd’hui que beaucoup d’acteurs se sont mobilisés. Les promoteurs, jadis réticents à toute sévérisation de la réglementation, anticipent aujourd’hui pour éviter une obsolescence prématurée de leurs Ouvrages. Le pari est en passe d’être gagné, la dynamique est en marche. La construction durable apparait ainsi comme un de leviers opérationnels du développement durable. Il faut en trouver d’autres.
Comment définir un bon levier ?
C’est un levier qui intéresse tous les acteurs : les décideurs, les Professionnels et le grand public. Celui-ci est riche de connaissances et d’initiatives, il faut les écouter, les reconnaître. C’est ensuite un levier liant la technique, l’imaginaire et les comportements. C’est enfin un levier ancré dans la vie quotidienne, avec des enjeux modestes pour chacun mais lourds par accumulation, un levier pour soulever des Masses. Les domaines de ce type sont l’alimentation, la mobilité, la santé, l’habitat, les loisirs, la culture.
Il faut des leviers Positifs, offensifs, et non pas pour se défendre contre l’adversité. Il y a schématiquement deux manières d’entrer en développement durable. Certains le font parce que l’on n’a pas le choix : le monde s’écroule, le ciel va tomber sur nos têtes si l’on ne change pas profondément. Ce n’est pas très enthousiasmant comme argument, la perspective d’une catastrophe annoncée comme moteur du changement. Un argument plutôt démobilisateur. Il y a heureusement une deuxième approche. Profitons de la pression des évènements forger un nouvel avenir, et pour franchir une Etape de l’aventure humaine. C’est avec une dynamique du dépassement qu’il faut donner envie du changement. C’est ce qui a été mis en place dans le secteur de la construction avec la HQE et les exigences énergétiques, qui ont mis en mouvement toutes les professions concernées. Quand il n’y a pas de pression, il n’y a pas de progrès.
Prenons un autre exemple de levier : Zéro produit phytosanitaire, thème d’un colloque organisé par le CNFPT(1), l’AITF et la ville de Versailles les 16 et 17 décembre 2010.
Dans ce domaine, le chemin parcouru ces dernières années est impressionnant. Qui aurait imaginé que l’on laisserait pousser des Herbes folles entre nos Pavés et au pied des Arbres, qui aurait imaginé des gazons transformés en prairies fleuries et parfois pâturées par des moutons devenus ainsi auxiliaires des jardiniers municipaux ? Il est même arrivé que l’on autorise des particuliers à ouvrir le revêtement devant chez eux pour y installer des plantes. Les rêves les plus audacieux sont devenus aujourd’hui des réalités ou au moins des hypothèses de Travail reconnues et légitimées par le Grenelle de l’Environnement.
Cette transformation s’appuie sur les formations qui se sont crées et développées (2), des recherches, des nouvelles méthodes, des organismes techniques (3), de nouveaux modes de travail entre services et au sein de chaque service, et un engagement fort des Professionnels du secteur. Un socle s’est créé, sur lequel il est possible de fonder de grandes ambitions.
Zéro petsicide constitue un objectif clair, facile à percevoir, ambitieux. Il bénéficie de la légitimité qu’apporte l’exigence de santé publique, avec les effets directs des produits sur les humains, et indirects par suite de la pollution de l’Air, des Sols et de l’eau.
C’est un levier pour un changement bien au-delà des espaces publics. Il provoque des exigences complémentaires, comme la propreté et la sécurité ; il conduit à travailler autrement et à créer une nouvelle identité professionnelle, renouvelant ainsi l’attractivité des métiers des espaces publics ; il provoque une écoute et une collaboration entre tous les acteurs, y compris de public, appelé à jouer un rôle actif ; il transforme les représentations sociales de la nature, souvent idéalisée, et ouvre de nouvelles possibilités de dialogue avec le public ; il suscite des recherches, des expériences, et offre du Plaisir et des émotions à ceux qui les mènent ; il se diffuse dans les Jardins des particuliers et les jardineries. Bref il transforme à la fois le Paysage et les mentalités : on substitue aux produits que l’on abandonne du savoir faire et une nouvelle sensibilité.
Le développement durable a besoin de leviers simples et ambitieux : Zéro pesticide en est un beau.
1 - CNFPT : Centre national de la fonction publique territoriale, AITF : association des ingénieurs territoriaux de France.
2 - Notamment au CNFPT
3 - Comme Plante et cité www.plante-et-cite.fr
Cette note reprend les grandes lignes de réflexions que j'ai présentées à la séance de conclusion du colloque européen territorial AITF/CNFPT/Versailles Les Villes-nature, vers le zéro pesticide, Hôtel de Ville de Versailles, les 16 et 17 décembre 2010
Chronique mise en ligne le 3 janvier 2011
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