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Les évènements récents nous incitent à reposer la question du PIB. Comment piloter l’économie avec une boussole qui a perdu le Nord ?
La sécheresse en Russie provoque d’immenses incendies de forêt, reconnus par les autorités comme une véritable catastrophe. De nombreux morts, des villages dévastés, des centaines de milliers d’Hectares partis en fumée.
La marée noire du golfe du Mexique a provoqué des milliards de dollars de pertes pour le groupe BP, mais sans doute bien plus pour l’économie américaine, l’emploi des pêcheurs et de l’hôtellerie, et pour la Richesse biologique sur terre et sur mer.
En Chine, marée noire également, moins popularisée par la presse, mais très importante. Peut-être est-elle masquée par une autre catastrophe, les inondations, qui font des centaines de morts et des destructions massives dans les villes et les villages. Combien d’habitations, combien d’hectares de Terres agricoles seront à reconstruire ou à reconstituer pour retrouver un niveau de Qualité d’accueil et de production équivalent ?
Les évènements de ce genre, de grande envergure, se multiplient cette année. Les causes en sont multiples, elles se combinent et aucune d’elles n’aurait sans doute suffi à elle seule à déclencher la catastrophe. Il y du dérèglement climatique, global ou local avec les transformations des équilibres régionaux. Grands barrages et exploitation massive des forêts ont leur part de responsabilité. Ajoutons-y une dose de risque inconsidéré. La recherche de profits immédiats conduit à négliger certaines Précautions, à exploiter des Ressources dans des conditions extrêmes, manifestement non maîtrisées. L’exploitation des sables bitumineux au Canada pourrait d’ailleurs à ce titre être incorporée à cette liste de catastrophes, mais celle-ci est provoquée en toute connaissance de cause, ce qui est bien pire.
L’exigence de précautions, d’études d’Impact de grands projets, de preuve d’innocuité de nouvelles techniques, apparait souvent comme un frein au progrès. La croissance en serait la victime, et nos vieilles sociétés, trop frileuses nous dit-on, ont concocté une kyrielle d’obstacles qui nous disqualifient par rapport aux pays émergents, notamment les fameux BRIC, Brésil, Russie, Inde et Chine. Cette culture de la sécurité nous condamne à une croissance Faible, voire rampante. Nous voyons aujourd’hui que ces mesures nous protègent (en partie seulement, n’ayons pas d’Illusions) de telles catastrophes, dont les Coûts économiques, humains et environnementaux pèsent lourd. Le potentiel productif est notamment gravement atteint, de même que les capacités de renouvellement de ressources naturelles.
Le Paradoxe est que cela ne se voit pas dans les chiffres. L’Argent dépensé par BP dans le golfe du Mexique n’est pas perdu par tout le monde. Ce sont des milliards de dollars injectés dans l’économie, ils apparaissent au PIB. Ils participent à la croissance, comme toutes les mesures de secours et de reconstitution d’un Capital détruit. La mobilisation de ressources pour faire face à ces évènements majeurs contribue à la croissance. Les comptes nationaux ne font pas état des pertes, ils ne sont qu’une compilation de chiffres représentant un Volume d’activité. Peu importe le contenu de cette activité.
La Chine vient d’annoncer une croissance 2009 de 9%. Un chiffre qui fait rêver les responsables européens. Une comptabilité qui n’incorpore pas les coûts humains, les explosions dans les mines, les villages rayés de la carte et l’avancée du désert. Les règles de calcul sont trompeuses, elles masquent une partie de la réalité, coûts humains d’aujourd’hui et capacités productives de demain.
Nous critiquons le cadre de la comptabilité publique, le PIB et ces critères conçus en un autre temps, celui de la reconstruction, 1945, où il était possible d’assimiler volume de production et progrès. Les Dérives de ce système de suivi de l’économie sont bien connues : Les accidents de la route et les marées noires contribuent selon lui à la croissance, les reculs deviennent des avancées. Un tour de passe-passe qui ne fait plus rire.
Importants pour les pays « développés » de longue date, type OCDE, ces défauts sont encore plus criants pour les pays émergents, dont dépendent la « croissance » mondiale. Comment piloter l’économie avec des instruments obsolètes et trompeurs ? Les récentes catastrophes montrent que l’adoption d’un nouveau cadre de comptabilité devient une urgence absolue. Et en plus, voilà une activité d’intérêt majeur qui ne consomme pas de ressources naturelles et n’émet pas de gaz à effet de serre. Rien que de la matière grise et de la recherche de consensus, bref, que de l’Intelligence !
Chronique publiée le 1 août 2010
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