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L’écologie la plus bête du monde ?

Gagner la bataille de l'opinion publique. Depuis Antonio Gramsci, nous savons que pour accéder au pouvoir la première étape est la conquête de l'opinion publique. Même l'extrême droite en France, paradoxalement, a adopté cette ligne de conduite, et tente de faire adopter ses valeurs par le maximum de Français. Une politique affichée sans complexe, et qui semble porter des fruits. Qu'en est-il de l'écologie ?

En ce début d'année, il est d'usage de faire un bilan des années précédentes, de manière à se lancer dans la nouvelle sur des bases revues et corrigées si nécessaire. Au début d'année 2024, mon éditorial lançait un appel « réveillez-vous ! », à l'aube d'une année électorale ou la cause de l'environnement et du développement durable semblait bien fragilisée, ce que le résultat des élections a hélas confirmé. Cet appel pourrait être repris pour 2025, l’année des élections municipales, avec ses enjeux de vie quotidienne, plus accessibles que les enjeux globaux. C’est le moment d’être imaginatifs et de donner envie de participer à une aventure exaltante.

La vieille rengaine selon laquelle nous aurions en France la droite la plus bête du monde pourrait-elle se décliner avec l’écologie la plus bête du monde ? Enfin, comment un domaine aussi important à la fois pour notre vie quotidienne et pour l’avenir de la planète a-t-il pu se voir dégradé au cours des dernières années, et continuer à l’être semble-t-il dans la vie politique ? A ces débuts politiques, l’écologie était populaire, elle avait une bonne image, elle était porteuse d’améliorations dont chacun pourrait profiter tout en sauvegardant la bonne santé de la planète. Elle est devenue moralisatrice et essentiellement défensive, éviter le pire sans promesse de progrès. Même un expert en la matière, François Gemenne, a pu dire qu’il valait mieux ne pas parler du climat, chaque intervention étant contreproductive, tant le discours écolo était démoralisant et même culpabilisant.

Il semble bien que la bataille de l’opinion publique, essentielle selon Gramsci et dans toute approche démocratique, est en passe d’être perdue si le discours, le récit, le story telling comme il faut dire aujourd’hui, reste sur la même ligne. L’écologie n’est pas une ligne de défense contre les catastrophes, c’est aussi et surtout une promesse de vie meilleure pour tous, dans notre pays et dans le monde. Une écologie porteuse d’espoir, et non de restrictions qui apparaissent à la fois comme un recul social et des atteintes à nos libertés. Comme le développe Joseph Stiglitz dans son dernier ouvrage, « Les routes de la liberté », les efforts demandés – car il y en a, il ne faut pas le cacher - sont porteurs de nouvelles libertés et de nouvelles richesses, d’une nouvelle qualité de vie. Les organisations internationales comme l’OMS parlent aujourd’hui « d’une seule santé », associant en un tout cohérent la santé humaine, celle des êtres vivants sur la Terre et celle de la planète toute entière (1). Des doubles dividendes, des « gagnants-gagnants » à mettre en avant pour donner corps aux promesses de l’écologie. Ce n’est pas en agitant les menaces qui nous guettent que nous attirerons de nouvelles forces pour imagier et construire le monde de demain. Il nous faut des entrepreneurs, au sens de personnes qui ont envie de découvrir et d’innover, et qui acceptent de prendre les risques de cette aventure qu’est la recherche d’un monde différent mais toujours si agréable à vivre, avec des perspectives originales, au lieu de la fuite en avant que représente le fil de l’eau, le business as usual. L’écologie doit attirer les progressistes, en donnant un sens nouveau au mot Progrès, inscrit dans un « monde fini » quant à ses ressources matérielles, mais infini en termes de génie humain et de sensibilité.

Une grande partie des Français pensent que leurs enfants vivront moins bien qu’eux, ce qui les rend nostalgiques du passé et en fait des cibles faciles pour les populistes qui leur vendent des rêves et leur cachent les impasses où le prolongement du « comme avant » nous conduit. Les écologistes doivent montrer que nos conditions de vie ne s’amélioreront pas sans des changements profonds, et donner envie au plus grand nombre de participer à cette recherche du monde de demain. Pour ne pas être l’écologie la plus bête du monde.

1 - https://www.woah.org/fr/ce-que-nous-faisons/initiatives-mondiales/une-seule-sante/

 

Édito du 8 janvier 2025

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