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Réveillez-vous !

Les prochaines élections européennes seront déterminantes pour les politiques d’environnement des 5 prochaines années. L’échéance de 2030 est considérée comme cruciale à bien des égards, et toute régression, toute hésitation pourrait avoir des effets désastreux en matière de climat ou de biodiversité.

Le constat s’impose depuis quelques mois : le négationnisme climatique progresse. Et il a des effets immédiats : le green deal européen s’est vu édulcoré, du fait des craintes des partis conservateurs. L’approche des élections européennes les conduisent à se rapprocher des positions des partis d’extrême droite. Les récentes élections au Danemark ont été un avertissement, l’écologie est un repoussoir pour une partie de l’électorat, qui refuse les mesures pourtant incontournables pour le climat et la biodiversité. L’écologie est devenue un enjeu de politique partisane, vite détournée et caricaturée, tout est bon pour engranger des voix.

Nous pouvons accuser les lobbys et les populistes, mais ne nous trompons pas, c’est de bonne guerre dans des stratégies de conquête du pouvoir. La vérité est chahutée, les contre-vérités sont partout, ce qui est troublant de la part des partis dits « de gouvernement ». Quoi qu’il en soit, ce sont les élections qui donnent l’orientation politique mais dans les pays démocratiques. Nous ne pouvons pas se contenter de critiquer, il ne suffit pas d’avoir raison pour gagner. L’écologie, ou plutôt l’anti-écologie, est devenue un cheval de bataille de l’extrême droite, suivie par des partis conservateurs. Le discours écologiste est retourné contre l’écologie.

Les partisans des transitions écologiques et énergétiques ont de quoi s’inquiéter. Les alertes répétées sur la dégradation du climat et de la biodiversité ne donnent-elles pas des arguments à tous ceux qui cultivent la nostalgie du passé, et voudraient que rien ne bouge ? « C’était mieux avant », un slogan prêt à l’emploi pour bloquer toute initiative, même si l’observation des faits dit le contraire. La manière de promouvoir le changement, le choix des mots, sont plus importants dans les campagnes électorales que le contenu du changement.

L’exemple de la promotion du nucléaire par EDF au temps des grands programmes Messmer est éloquent à cet égard. Au départ, le discours s’appuyait sur la peur de la pénurie d’énergie, dans la suite des crises pétrolières des années 1970. Les enquêtes d’opinion ont montré que le rapprochement des mots « peur » et « nucléaire » était dangereux, voire contre-productif. EDF a changé de stratégie, au profit de l’idée d’une « énergie nationale ». La fierté au lieu de la peur. Le discours dominant des écologistes, à base de peur des catastrophes et de culpabilité, et finalement de peur de l’avenir, n’est-il pas contre-productif ? Les alertes sont bien sûr justifiées, mais doivent-elles être le socle du discours ?

Des alertes porteuses en soi de restrictions, de contraintes et d’interdictions, qui donnent corps au terme d’écologie punitive. L’écologie n’est pas plus punitive que toutes les lois qui encadrent nos activités, mais la préoccupation est récente et s’ajoute aux précédentes. Les dégâts des défauts d’écologie sont différés dans le temps et dans l’espace, les responsabilités souvent partagées. Et on ne parle d’environnement que quand il y a des problèmes, pollution, sécheresse, inondation. Il est souvent mentionné le coût de l’environnement, et notamment celui de la transition, mais jamais celui de l’absence de mesures de protection, et celui de statu quo. On ne parle de l’environnement qu’en négatif, étonnez-vous ensuite qu’il soit assimilé à des ennuis que chacun souhaite minimiser ou reporter à plus tard. L’écologie briseuse des rêves de tous ceux qui voulaient vivre comme les riches. Ça ne marche pas. Réveillez-vous !

Il fut un temps ou l’écologie se conjuguait avec qualité de la vie, une valeur positive susceptible de mobiliser l’opinion. La perspective de la transition apparait aujourd’hui comme une épreuve. Elle masque l’essentiel, à savoir le « pourquoi » de cette transition, l’instauration d’un nouvel équilibre entre les humains et la nature. Le débat s’établit sur l’obstacle à franchir, oubliant l’opportunité extraordinaire de reconstruire le monde de l’autre côté de l’obstacle, un monde où qualité de la vie rimerait avec prospérité de la planète, un monde d’opportunités, et un monde si bien illustré par Sempé.

La campagne qui s’annonce, déterminante pour la décennie et les objectifs 2030, offre une occasion de replacer le débat sur le type de société que nous voulons dans le monde décarboné où nous vivrons demain. Comment stimuler les imaginaires sur des mythes fondateurs de la civilisation post carbone ? ça vaudrait mieux qu’une énième alerte sur les dangers qui nous menacent.

Edito du 3 janvier 2024

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