Entrepreneur
Exploration de futurs inédits, le développement durable provoque des réactions de rejet, scepticisme, peur du changement, défense des positions acquises. Il faut toute l’énergie des entrepreneurs pour dépasser ces réactions et ouvrir la voie vers le développement durable.
Il s’agit ici d’entrepreneurs au sens de l’esprit d’entreprise. Ils sont nombreux, chefs d’entreprise, élus, fonctionnaires, animateurs d’association, self made man ou woman, chercheurs et autres aventuriers. Des personnalités curieuses et engagées, qui savent prendre du recul par rapport à ce qu’ils ont toujours entendu. Des « caractères », pour qui la phrase « on a toujours fait comme ça » est un chiffon rouge. Toujours à l’affut de nouveautés, prêts à se lancer dans de nouvelles expériences. Le contraire des conservateurs.
Le développement durable est leur affaire. Il s’agit en effet d’imaginer le monde de demain, et de lui faire prendre corps. Quoi de plus exaltant que d’écrire une nouvelle page de l’histoire de l’humanité ? La poursuite des tendances du passé mène à l’impasse, le monde d’hier est à bout de souffle, il faut passer au suivant. C’est cette aventure qui s’appelle Développement durable.
De nombreux entrepreneurs n’ont pas encore pris conscience de cette vocation, d’explorer le futur. C’est un grand malentendu. Les porteurs du développement durable croient au progrès, mais ils veulent en comprendre le sens pour le maîtriser. C’est bien la marque du développement durable : choisir son futur, au lieu de se le faire imposer par les faits, un enchainement, pour ne pas dire un emballement, dont on cherche en vain le pilote. Une confusion fréquente a pu faire croire que le développement durable était hostile au progrès. C’est bien le contraire. Le développement durable est une recherche du sens du progrès, au XXIe siècle et dans un monde « fini », par opposition à celui que nous avons connu jusqu’à présent, conçu pour un monde « infini ». Un changement très profond, dont nous n’avons pas encore pris la mesure.
Les ressorts de la peur de l’avenir et de la morale ne mobilisent pas durablement, même s’ils ont leur justification. Ils sont souvent contre productifs. C’est l’engagement dans la recherche du monde de demain qui entraînera les plus entreprenants dans la dynamique du développement durable. La recherche d’un futur original doit être plaisante et gagnante, ce que nous traduisons par le concept de « double dividende », un pour soi et un pour la planète. L’idée que le développement durable puisse délivrer ses premiers dividendes immédiatement, et pas seulement pour demain, a du mal à passer. Toujours le malentendu.
Nous avons des institutions, des habitudes, des partenaires, des méthodes et des savoirs, une culture : en changer est bien difficile. Notre apprentissage de la vie nous a donné des repères, un cadre de pensée. Tout ce qui ne rentre pas dans ce cadre est difficile à admettre, nous ne savons pas l’insérer dans notre système mental. Les entrepreneurs n’hésitent pas à remettre en question les certitudes du passé, et ce qui est donné pour « évident ». Nos esprits ont été formatés par l’injonction divine : croissez et multipliez, et l’évidence d’un monde « infini ». Nous savons aujourd’hui que le monde est fini. Paul Valéry nous le disait dès 1931, « le temps du monde fini commence ». C’est un changement profond de nos modes de pensée qui doit en résulter. Le terme « facteur 4 », popularisé par le club de Rome avec sa déclinaison, « deux fois plus de bien-être, en consommant deux fois moins de ressources », résume le défi que représente le développement durable.
Le monde d’hier résiste, et il dispose pour le faire des moyens tirés de sa position dominante. Il faut toute l’énergie des entrepreneurs pour ouvrir une nouvelle époque et proposer des perspectives originales, fondée sur la valorisation de ressources dont nous ne connaissons pas les limites : le génie humain, le talent, et l’esprit d’entreprise. Le développement durable a besoin des entrepreneurs.
- Vues : 1983
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