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Modes et Modèle

Opinion

Le rôle de l'opinion dans la prise de conscience des enjeux du développement durable est déterminant. Encore faut-il savoir se la mettre de son côté.

Le développement durable ne s’impose pas par la force ou le droit, sinon il serait bien fragile. La loi et la police ont un rôle à jouer, elles donnent des signaux, fixent des orientations, tapent sur les doigts des retardataires, mais il faut avant tout que le développement durable soit approprié, intégré à la vie courante de chacun.

Et cela d’autant plus que chacun est appelé à apporter sa contribution, à se montrer actif et plein d’initiatives, et non attentiste ou même « suiviste », pour ne pas parler des réfractaires.

Le droit et les techniques ont beaucoup évolué, mais cela ne suffit pas. Les avancées que les « spécialistes » proposent doivent être reprises et amplifiées par l’opinion, en un cercle vertueux puisque lesdits spécialistes s’empresseront de surenchérir sur les apports de la population "tout venant" dans une démarche de progrès. À l’inverse, des progrès venus « d’en haut » et non compris sont bien compromis, ils auront du mal à s’imposer.

Prenons quelques exemples pour illustrer le poids de l'opinion.

Nos villes sont envahies d’herbes folles. C’est le résultat d’une politique sympathique a priori d’abandon des herbicides et autres produits phytosanitaires. Moins de polluants dans les sols, les eaux et l’air que nous respirons. Zéro phyto, pour faire court. On laisse ainsi pousser l’herbe pour elle-même, qu’elle se ressème, s’enrichisse et se développe, mais aussi pour la faune qui y trouve le gîte et le couvert. Certaines périodes sont particulièrement sensibles, avec les couvées et les jeunes, ce qui conduit aussi à espacer les coupes mécaniques. L’herbe va donc pousser et envahir nos rues et nos trottoirs. Aucune gêne pour se déplacer, mais l’idée vient facilement à l’esprit, que ce n’est « pas propre », tant nous avons été habitué à une nature « au cordeau » . Que fait la ville ? Comment laisser un tel désordre ? C’est un scandale !

Les changements de modes de gestion doivent donc être présentés, le plus tôt possible, avant le changement lui-même, et ils doivent être adaptés aux réactions de l’opinion. Celle-ci ne change pas de modèle facilement, et il faut Faire avec . C’est un dialogue qu’il faut instaurer, où les services chargés de l’entretien des espaces publics auront un rôle particulier à tenir. La nécessité de ces échanges et d’un accompagnement a été reconnue pour la collecte sélective des déchets. Des campagnes d’information, des « ambassadeurs du tri », des animations dans les Ecoles, et bien d’autres bonnes idées ont été mises en pratique pour expliquer et obtenir l’adhésion du public au nouveau mode de collecte. Pour la végétation et les produits phyto, l’adhésion est nécessaire pour des raisons de démocratie locale, mais aussi parce que cette politique a besoin de prolongements chez les particuliers. Eux aussi utilisent des produits, dans leurs Jardins ou sur leurs balcons, et la seule évolution des espaces publics n’aurait guère de sens si elle n’entraînait pas celle des particuliers. Le nécessaire dialogue n’est pas que verbal. Il prend aussi la forme de plantations nouvelles, qui font réagir, comme les fleurs à papillon, ou plantes mellifères. Le changement passe aussi par le plaisir des yeux ou des sens, pas uniquement sur des arguments écologiques.

Autre exemple, les logements. Eux aussi évoluent. Il faut faire des Economies d’énergie, les grandes Fenêtres ont la cote, avec des matériaux sains, etc. Les exigences liées soit à la demande, pour le confort, la Santé, la Qualité de vie en général, soit pour des raisons d’ordre général comme la lutte contre le réchauffement climatique, entraînent une évolution dans la conception des logements, et dans la manière de les entretenir. Là il ne s’agit plus d’une politique publique à faire bien accueillir, mais d’un « produit » à vendre. Les agents commerciaux des promoteurs sont chargés de vendre des produits nouveaux, avec des qualités telles que « le BBC » et un paquet d’innovations en tous genres. Le discours centré presqu’exclusivement sur l’énergie est d’ailleurs peu vendeur. On entre vite dans des présentations techniques, avec des détails pour illustrer les progrès accomplis. Les ingénieurs sont fiers, légitimement, de leurs innovations, et ils adorent les expliquer en large et en travers. Mais l’accumulation de dispositifs ingénieux dont on ne comprend pas très bien le fonctionnement ferait plutôt naître l’inquiétude que l’adhésion. Celle-ci est pourtant nécessaire pour tirer le meilleur parti des innovations, sans que ce soit un casse-tête. Livret et mode d’emploi sont réservés à des objets techniques, comme une voiture ou un matériel domestique, mais le logement doit rester une affaire simple et à la portée de tous. Il n’y a pas de « permis d’habiter » à passer, comme de permis de conduire. La maison à énergie positive, qui sera la règle dans moins de 10 ans, sera un objet probablement très technique, mais qui doit rester en bonne adéquation avec ses habitants, qui ne seront pas plus qu’aujourd’hui des techniciens du bâtiment. L’opinion doit être associée à la conception de ces logements, et aux innovations qu’ils contiendront. La législation y conduit, d’ailleurs, puisque les promoteurs seront tenus à des obligations de résultats. Le comportement des habitants est une des clés de la réussite. Il faudra que l’opinion adhère aux nouveaux modèles qui vont naître, à la suite d’un dialogue avec les professionnels. Les « représentations » que se font les habitants, de leur logement et de leur mode de vie ne sont pas figées, elles doivent être Intégrées aux changements à venir, tout comme les fleurs des champs, sauvages, font évoluer la « demande sociale » pour les espaces publics. 

La vertu écologique est parfois difficile à adopter, malgré la bonne volonté de la plupart de nos concitoyens. Il lui faut une dimension de plaisir, de bonheur ou de valorisation sociale, pour obtenir la complicité de l’opinion.

Chronique mise en ligne le 3 août 2011, veille du 4, pour préparer l'opinion à l'abolition des privilèges.

 

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