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Comment gouverner « durable » ?

Nouvelle année, nouveau Gouvernement, arrivé par la cheminée la nuit de Noël, ou presque. A quelle sauce le développement durable sera-t-il mangé dans ce nouveau contexte ?

Le mot même de développement durable ne figure pas dans les libellés des ministères, mais c’est devenu une habitude, nous laissons le développement durable à l’ONU. En France, c’est le mot Transition qui tient la vedette. Nous pourrions nous intéresser à la hiérarchie ministérielle, mais ne nous y trompons pas, il s’agit surtout de communication, plus que d’action gouvernementale. Quand Nicolas Hulot était numéro 2 du Gouvernement, l’écologie ne s’est pas mieux portée, et c’est toujours le Premier ministre qui détient la capacité d’arbitrage. Positionner l’écologie auprès du PM est d’ailleurs une pratique fréquente, à commencer par le premier d’entre eux, Robert Poujade, délégué à la protection de la nature et de l’Environnement. Car l’Environnement est partout, il interfère avec tous les domaines des différents ministres. Les transports comme l’éducation, ou la santé, ou les affaires étrangères et bien d’autres. Un champ transversal, comme les finances, ou la justice. Tous les départements ministériels se recoupent avec d’autres. Aujourd’hui, par exemple, il est souvent question des rapports étroits entre police et justice, mais les échanges interministériels sont nombreux. Dans le cas de l’environnement, le ministre en charge ne peut pas grand-chose sans ses collègues du Gouvernement. Ce n’est pas lui qui fait l’environnement comme le ministère des transports construit (ou délègue) les routes, les voies ferrées et fluviales. Les relations sont parfois délicates, comme avec l’agriculture et l’industrie, l’environnement apparaissant plutôt comme un gêneur qui impose une discipline. Sur le fond, ce n’est qu’une apparence, l’Environnement protégeant la durabilité d’une activité, en réduisant les risques qu’elle comporte pour elle-même et la collectivité dans son ensemble. L’Environnement domaine transversal, le développement durable l’est encore plus : c’est une orientation politique au sens plein du terme qui n’a pas de sens s’il est confiné à quelques principes et à un rôle de Cassandre. A l’échelle de l’ONU, les objectifs du DD expriment l’étendue du champ couvert, de la lutte contre la pauvreté à l’éducation, à l’accès à une eau saine, à la réduction des inégalités et à la bonne santé notamment.

Le développement durable doit donc être pris en charge par chaque ministre, chacun dans son champ d’intervention, et une cohérence doit ressortir de l’action gouvernementale, que seul le PM peut apporter. Il est d’ailleurs significatif que la planification écologique soit placée auprès de ce dernier. Il s’agit dans les faits de courir plusieurs lièvres à la fois, contrairement à ce qu’affirme la sagesse populaire, ce qui exige une organisation ad hoc.

L’eau douce offre une bonne illustration de ce besoin de coordination interministérielle. Les usages de l’eau sont multiples, tout comme les usagers, de même que les causes de dégradation de cette ressource et leurs auteurs. L’eau facteur de production, mais aussi de santé, de biodiversité, de tourisme, d’aménités diverses. Le ministre en charge de l’eau n’a pas d’autorité sur tous les acteurs concernés, mais il doit assurer la pérennité de cette denrée sous pression. Comme le ferait-il sans l’appui du PM ?

Autre secteur sous les feux de l’actualité : l’énergie et le climat. Pour décarboner l’énergie, une ressource essentielle est le sol. Les surfaces disponibles pour capter l’énergie du soleil, traditionnellement avec l’agriculture et la forêt, et depuis quelques années des capteurs photovoltaïques. Les conflits sur l’usage des sols sont inévitables. Déjà, la production d’agrocarburants empiète fortement sur les surfaces destinées à notre alimentation. Comment gérer les sols nécessaires à la fois pour l’urbanisation, l’alimentation, l’énergie, la production de matières premières comme le bois, les textiles ou des végétaux pour la chimie, de manière compatible avec les besoins en matière de biodiversité, le stockage de carbone dans les sols, la maitrise du régime et de la qualité des eaux, sans oublier le paysage et le besoin de nature ? Qui peut arbitrer entre ces différents impératifs, tous légitimes, dans une vision de préservation de notre patrimoine et de nos capacités productives ? De nombreux ministres peuvent revendiquer une place autour de la table, et il faut une vision partagée du futur et le la fameuse transition pour rechercher des solutions aux bénéfices multiples et durables, dans le sens de leur pérennité. Une vision que ne peut venir que du PM, relayé par une organisation favorisant le dialogue entre tous les ministères concernés, et un état d’esprit de collaboration et non de compétition. Attendons le discours de politique générale du nouveau Premier ministre, en espérant que le développement durable y tiendra la place qu’il mérite.

Edito du 1er janvier 2025

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