Risque
Le concept de risque est inséparable de celui de développement durable. On pourrait même dire qu'il en est une des dimensions constitutives.
Un développement durable est un développement qui ne rencontre pas d'obstacle, et qui ne porte pas en lui ses propres Limites. Cette approche ne suffit pas à décrire le développement durable. Il faut y ajouter une persepctive, un projet qui donne du sens au mot développement. Comme au football, il faut une défense et une attaque. L'attaque c'est la générosité avec sa part de risque, la défense, c'est de la rigueur pour réduire le risque.
Le risque est donc bien présent dans le développement durable, et le rappel du principe de précaution suffirait à le démontrer s'il en était besoin. Il y a différents types de risques, selon que l’on joue en attaque ou en défense.
Parlons du projet de développement et des risques qui l'accompagnent. Il faut être clair, le principal danger qui nous guette est l'immobilisme. Ne rien faire comporte un risque, car le monde bouge. Notre population augmente, nos modes de vie évoluent, et avec eux les besoins, les consommations en tous genres, matérielles ou intellectuelles. Dans un tel contexte, de société en perpétuel mouvement, ne rien changer, le fil de l'eau, constitue un véritable risque. La somme de petits problèmes non résolus qui s'ajoutent jour après jour, la divergence de plus en plus forte entre des moyens disponibles et les besoins à satisfaire, entre une vision idéalisée du passé et les réalités du présent, autant de facteurs de risques qui s'accumulent lentement et se conjuguent, et qui se manifeste brutalement par des explosions sociales, des crises économiques ou des catastrophes écologiques. Le mouvement est nécessaire, avec sa part de risque, et il convient de permettre aux acteurs les plus dynamiques d'innover, voire de changer les règles du jeu, en assumant collectivement le risque lié à l'innovation.
Le développement a besoin d'une culture de l'innovation, et donc de risque. Une société qui ne prend pas de risque est une société qui n'innove plus, une société bien malade, sans perspective d'avenir. Il faut donc organiser la prise de risque, et c'est dans ce cadre que le principe de précaution prend tout son sens (1). Un principe non pas de retrait et de crainte de l'inconnu, mais d'action, de conduite à tenir pour avancer en terrain difficile et mal connu. Quelle attitude devant un risque, potentiellement grave et irréversible, et sur lequel subsistent encore des doutes quant à sa réalité ? Le principe de précaution nous éclaire sur le choix des risques que la société peut admettre, et sur la conduite à tenir vis à vis des risques qu'elle doit rejeter : gel des décisions et activation des travaux scientifiques pour sortir du doute. Isolé de son contexte de soutien à l'innovation, le principe de précaution peut apparaître comme contraire à toute exploration du futur, alors qu'il en est un des instruments privilégiés. Le parallèle peut être fait avec une voiture : plus elle est rapide, plus il lui fait des freins puissants.
C'est le volet offensif du développement durable. Il y a aussi le volet défensif.
Il s'agit d'assurer les fondements de la société et de son modèle de développement. Une assise solide, qui ne se fissure pas à la première secousse, c'est le socle sur lequel un projet peut prendre son ampleur. Contrairement à la partie précédente, où la culture de la prise de risque devait être encouragée, il s'agit ici de lutter contre toutes les formes de risques, et de traiter ceux que l'on a identifié et qu’on n’a pas pu éviter. Il s'agit en particulier des situations existantes, dont on hérite et sur lesquelles seules des mesures correctives sont possibles.
La nature du risque est variable. Tremblement de terre ou explosion sociale, inondation ou crise économique. Certains sont lents et cumulatifs, comme la pollution progressive, la concentration de produits toxiques dans nos univers, l'air que nos respirons, notre alimentation, l'eau qui peut devenir impropre à la consommation humaine, mais aussi à des usages économiques. Ils n'en sont pas moins redoutables, et leur inertie ne doit pas conduire à les traiter à la légère. Quand ils se manifestent, les délais de réaction des actions correctives sont très longs, et le mal est là pour des années. Prenons un exemple dans l'histoire, la salinisation des sols a ainsi entraîné la disparition de brillantes civilisations, victimes des techniques sophistiquées qui leur avaient permis de se développer.
L'histoire, c'est aussi Pompéi, et sa disparition brutale à la suite d'une coulée de lave. Le risque est alors brutal, et à défaut de pouvoir changer l'implantation de la ville, c'est l'alerte qui devient la préoccupation majeure. La nature du risque oriente la stratégie à mettre en place pour lui faire face. On ne lutte pas de la même manière contre les tsunami et les explosions d’usines « Seveso ».
Le risque est souvent associé à l’angoisse, qui est l’enfant de la non maîtrise du risque. L’amalgame est fréquent, entre les différents types de risque, certains n’étant que la traduction d’un dynamisme, et d’autres d’une coupable inconscience. Deux visions, l'une valorisante du risque, lequel doit être pris pour progresser, à condition de le faire avec précaution, et l'autre de la lutte pied à pied contre des évènements redoutés, qui empêchent de fonder sereinement toute forme de développement. Le même mot recouvre des réalités bien contrastées. Le mélange des deux approches perturbe le raisonnement, et il convient de faire la part des choses. A défaut, le discours oscille entre le lénifiant et l’alarmiste, et ne prépare en rien les esprits à l’action. La démobilisation n’est pas loin !
1- Voir sur ce sujet larticle de Guillaume Sainteny Le principe de précaution mérite-t-il tant de défiance ?
Chronique mise en ligne le 26 juin 2006, revu le 6 avril 2010. Merci à Pierre Marie Tavernier et à Cédissia de Chastenet de leurs bonnes idées que j’ai intégrées dans ce billet.
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