Avenir
Le grand écart. Des avenirs totalement différents semblent possibles, si on observe les mouvements actuels sur les villes. Préservons cette chance.
La ville est l’avenir de l’humanité, nous affirment les experts, statistiques à l’appui. La moitié de l’humanité vit dans des villes. Dans des univers artificiels, des concentrations humaines parfois gigantesques, de plusieurs dizaines de millions d’habitants.
Six d’entre elles dépassent les 20 millions, Tokyo 37 millions, rendez-vous compte !, et loin derrière New York, Mexico, Séoul, Bombay et Sao Paulo.
L’espace est rare, il faut concentrer les hommes pour l’économiser. Il est vrai que l’on lui demande de plus en plus de choses, à cet espace réputé « naturel ». Notre nourriture, notre énergie, nos matières premières, notre détente, nos paysages, notre eau douce et notre air pur, et notre patrimoine biologique. Et comme nous serons de plus en plus nombreux, la ville n’est pas un problème, c’est la solution.
La solution est malgré tout couteuse. L’empreinte écologique (1) des villes est lourde. En valeur absolue, bien sûr, compte-tenu du nombre d’habitants concentrés. Par exemple, l’empreinte écologique de Londres représente 125 fois sa surface. Ce genre de calcul n’a pas beaucoup de sens, car il faudrait mettre en regard les utilités produites par la ville, et son rayonnement qui va bien au-delà de ses frontières. Mais rapportée au nombre d’habitants, l’empreinte d’un londonien est supérieure de 8% à celle d’un sujet moyen de Sa Majesté. Si les villes sont notre avenir, il faudrait qu’elles soient plus performantes. Côté efficacité écologique des concentrations humaines, il y a encore du boulot.
Pour relever le défi, la nouvelle tendance est d’aller plus loin dans l’autonomie des grandes agglomérations. Il va falloir que les villes nous nourrissent, et qu’elles fournissent leur propre énergie. Au moins, qu’elles n’émettent pas de pollution ni de carbone. On voit apparaitre d’immenses projets de ce type. Masdar City, à Abou Dhabi, dédiée aux technologies du développement durable, sans voiture, sans aucune émission de gaz carbonique, elle accueillera 50.000 personnes et 1.500 entreprises sur 6 km². Objectif initial 2015, reporté plusieurs fois par la suite. Architecte : Foster & Partners. Initiative gentillette en comparaison de l’ambition de la Ziggurat, à Dubaï qui accueillera 1 million d’habitants sur 2,3 km². Une ville en forme de Pyramide, complètement autosuffisante. Zéro carbone, autonome en énergie grâce aux vents et au soleil. Conception Timelinks. Autre inspiration, le projet de Vincent Caillebaut d’une ferme métabolique pour l’agriculture urbaine, sous le nom de Dragonfly, à New-York. Un projet où La végétation foisonne, la terre grouille d’insectes et les animaux de ferme sont élevés librement en viviers par les consommateurs urbains à faible revenu. L’architecture devient comestible !
Les projets se multiplient, et on pourrait encore citer la Bionic Tower qui pourrait voir le jour à Shanghai en 2020, ville verticale de 100 000 habitants, sur 300 étages et 1,228 km de haut (architectes Maria Rosa Cervera et Javier Pioz).
Ce sont des écosystèmes d’un nouveau genre, de haute technologie, tous présentés comme écologiques, à leur manière, zéro carbone, et souvent auto suffisants en nourriture. Les villes de demain retrouvent les jardins des villes d’hier, sous une forme totalement rénovée.
Un autre avenir est la ville lente. De taille humaine, fondée sur les relations entre ses habitants et la capacité à produire sur place ou à proximité tout ce dont elle a besoin. La simplicité, mais aussi la performance, l’efficacité pour répondre aux besoins des habitants, une autre forme de démarche Qualité revendiquée par le Mouvement Cittaslow.
L’avenir n’est pas écrit, il est probablement multiple et c’est heureux. Ces deux orientations décrites brièvement ne s’opposent pas, elles se complètent en offrant plusieurs modes de vie, et il y en a sans doute encore beaucoup d'autres. Autant d’avenirs viables pourvu que les règles du jeu que nous établissons chaque jour, et que les techniques disponibles, ouvrent le champ du possible. Le risque est réel, en effet, d’enfermer l’avenir avec des institutions ou des choix politiques qui interdisent de fait certaines orientations, comme la concentration excessive des services, l’organisation des transports publics ou le soutien privilégié à certaines pratiques agricoles. La recherche et les développements technologiques ne sont pas neutres, non plus, de ce point de vue. Le Progrès dépend largement de choix d’investissements et des modèles de société qui les inspirent. On le voit notamment pour l’efficacité de la captation diffuse de l’énergie par rapport à sa production hautement concentrée, qui résulte largement d’orientations politiques.
Face à la raréfaction d’une ressource, comme l’espace productif, plusieurs réponses sont possibles. Entre des solutions très sophistiquées et les plus rustiques, il convient de laisser l’avenir ouvert, tout en préservant un accès équitable aux services et aux ressources naturelles.
1 - Voir la chronique Hectare
Chronique mise en ligne le 22 fécrier 2011
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