Futur
Les élections européennes offrent une magnifique occasion de se projeter dans le futur, pour qu’il soit durable, bien sûr, et de prendre du recul à la suite des élections municipales, dédiées à la vie quotidienne.
Le manque de perspectives crédibles plombe le débat. La conviction se répand, que nos enfants vivront moins bien que nous. Le sentiment d’une dégradation irréversible progresse.
Tels sont les ressorts qui dominent l’opinion aujourd’hui, sur fond de crise économique, mais aussi d’impuissance des institutions et des politiques, d’inégalités croissantes, d’affaires douteuses, d’Europe castratrice et uniformisatrice, de montée en puissance de nouvelles forces dans le monde. « No future » ! Nous ne sommes plus une grande puissance, et nous avons peine à en tirer des conclusions. La conséquence en est la tentation du repli, et la progression des partis politiques nationalistes et populistes. Dans la tempête, sauf qui peut et chacun pour soi.
On ne sortira pas de cette impasse sans offrir une perspective forte et attractive, montrant clairement qu’un autre monde est possible, pour reprendre un célèbre slogan. Les élections européennes sont, dans notre calendrier politique, une occasion de lancer ce mouvement d’opinion, au-delà des débats politiques traditionnels. En changeant d’échelle, les choses apparaissent différemment, des solutions inédites prennent consistance, le champ du possible s’élargit.
En tout état de cause, il est urgent de tenir un discours différent sur notre futur. Les partis politiques traditionnels sont bien perçus pour la gestion quotidienne des villes et des collectivités en général, mais ne proposent aucune vision du futur, si ce n’est la rigueur pour assainir les comptes et payer les retraites. La rigueur n’est pas acceptable sans perspective montrée en alternative. Le maintien, la préservation des systèmes anciens, mis en place en 1945, et revus au rabais pour tenter de les sauver, ne sont pas des objectifs enthousiasmants. Il faut autre chose, à l’échelle de l’Europe et par suite du monde.
Souvent présentée comme un handicap, face aux Etats-Unis d’Amérique et à la Chine par exemple, la diversité de l’Europe est une chance. Le futur n’est pas écrit, et la force, aujourd’hui, est de pouvoir s’adapter aux conditions de demain, notamment un retour en force de contraintes sur les ressources disponibles et la manière de traiter nos rejets. La créativité et la réactivité sont les vertus de demain, qui nous permettront de jouir d’un futur plus riche à tous égards que le passé. Les conditions de vie de nos enfants seront moins agréables que celles que nous avons connues si nous ne changeons pas de mode de vie, mais elles le seront bien meilleures si nous nous adaptons à ce nouveau contexte. Puisque le mot « transition » est à la mode, il s’agit d’une transition très profonde, d’un monde supposé infini à un monde fini. Un bouleversement qui nous attend et qui fera des dégâts si nos esprits ne s’y préparent pas, mais qui sera une opportunité pour ceux qui auront su le faire. C’est là où l’Europe a une longueur d’avance, qu’elle peut conserver si elle ne se met pas à la remorque des « super grands », dont le nombre va grossir, avec l’arrivée à maturité de grandes économies.
La croissance de demain sera qualitative. Ce n’est pas sur la production de masse qu’il faut compter pour multiplier les emplois et créer de la valeur ajoutée, mais sur le sur mesure, le travail fin et adapté à une infinité de situations. C’est sur le talent et le haut niveau de formation, sur la culture et l’ouverture aux autres cultures. C’est avec ces qualités que nous pourrons assurer une croissance du bien-être tout en réduisant les prélèvements de ressources. L’ambition du « facteur 4 » résume cette orientation, qui nous ouvre un futur attractif et diversifié, à l’inverse des cauchemars que nous ont décrit des écrivains fameux tels que Aldous Huxley et George Orwell.
L’Europe, agglomérat de nations de toutes origines, pauvre en matières premières mais riche d’une culture et d’un patrimoine humain exceptionnels, dispose de toutes les vertus pour affronter cette nouvelle phase de la vie de l’humanité, et y tenir un rôle déterminant. Elle doit devenir la caisse de résonnance de la créativité des nombreuses communautés qui la composent, avec leur histoire, leur savoir faire, leur sensibilité, leur compétence.
Le danger s’appelle uniformité. Favoriser les échanges et les confrontations ne signifie pas enfermer les produits dans un moule ou un modèle contraignant. L’enjeu, pour l’Europe, est de permettre à tous les talents qu’elle contient de s’exprimer et de s’épanouir.
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