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Nouveau monde, nouvelle gouvernance

C'est en 1945 que sont nées les grandes institutions et les grandes règles mondiales. L'organisation des nations unies, les accords de Bretton Woods, et leurs instruments opérationnels. Cela fait 80 ans. Depuis, le monde a bien changé. Nouveau paysage géopolitique, nouvelles technologies, mondialisation, conquête de l'espace, et nouvelles préoccupations comme le réchauffement climatique, le DDT retrouvé dans les tissus des ours polaires, ou les continents de plastique dans les océans. Il y a bien eu une évolution de ces institutions, avec notamment de nouveaux organismes comme l'organisation mondiale du commerce et les conventions Internationales sur le climat, la biodiversité et les déserts, mais nous ressentons collectivement les limites de cette organisation. L'ONU ne parvient plus à éviter les conflits armés, l'influence des grandes nations dans les débats mondiaux traduit plus leurs intérêts respectifs que ceux de la planète. Les réformes attendues de ces institutions ne voient pas le jour. Les concepts d'universalité et de multilatéralisme sont remis en question, et les droits de l’Homme eux-mêmes sont attaqués ici ou là. Nous sentons un grand besoin de refondation de ce système de gouvernance mondiale, mais sans voir de progrès dans ce sens, encore moins un début de réalisation. Une sorte de vide, qui se transforme en aubaine pour tous ceux qui rejettent le principe même de lois communes, une opportunité pour imposer leur propre loi, celle du plus fort.

Cette faillite de la gouvernance mondiale, impuissante face aux transformations du monde, se retrouve à l’échelle nationale. Le débat politique apparait « hors sol » à une bonne part de la population, la conquête du pouvoir tenant lieu d’intérêt général. Les institutions et leurs représentants semblent incapables de redonner un contenu attractif à la démocratie. Le contexte international nous laisse penser que les décisions, notre avenir, se jouent ailleurs et que les citoyens n’y ont pas de prise. Sans négliger les termes des débats traditionnels, de nouveaux enjeux sont apparus face auxquels les institutions semblent désemparées et incapables d’apporter des réponses satisfaisantes, comme les mouvements de population, les nouvelles technologies, les crises écologiques (climatique, biologique, ressources naturelles, etc.) et la recherche de nouveaux équilibres internationaux. Comment rénover la démocratie dans un tel contexte ? L’absence de réponse claire, ou même de chemin vers des solutions à inventer collectivement, ouvre la voie aux champions du retour en arrière, du temps où ces problèmes n’existaient pas, et notamment d’un retour à des formules autoritaires et à la culture du chef.

Certains souhaitent « redonner la parole au peuple ». Une position bien démagogique, quand il s’agit de décider sur des questions complexes, avec de multiples interactions et incidences secondaires mal maitrisées, tout en prenant en compte le long terme. Mais une proposition qui prend du sens pour les affaires de proximité, à conditions de répartir le pouvoir et les responsabilités entre les collectivités territoriales, et en leur laissant de véritables marges de manœuvre. La « géométrie variable » au pays de l’égalité est toujours délicate, mais elle permet de coller aux réalités des « terrains de vie », comme disait Bruno Latour. Abandonner les idées toutes faites, héritées du monde d’hier, pour se concentrer sur les besoins et les envies d’aujourd’hui, les « attachements » pour citer à nouveau Bruno Latour.

C’est une reconstruction à partir de la base, une base revue et adaptée au monde d’aujourd’hui, qui peut régénérer la vie politique et les institutions qui l’organisent. Plusieurs initiatives sont prises ici et là qui préfigurent chacune à leur manière cette prise en main de leur avenir de citoyens à l’échelle de leurs collectivités. Les monnaies locales en sont parfois un instrument, ou bien une approche territorialisée des priorités, telles qu’elles sont vécues. Par exemple, ce sont les centrales villageoises ou les territoires à énergie positive, ou encore les « territoires zéro chômage longue durée ». Quelle que soit la thématique de départ, la démarche provoque une dynamique sociale et sociétale, une nouvelle gouvernance émerge. Favoriser ce type de démarche ne peut que redonner aux citoyens confiance en leurs institutions, première « brique » pour reconstruire une démocratie vivante et créatrice.

Edito du 26 février 2025

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