Proximité
La planète est souvent bien loin de nos préoccupations immédiates. La forte demande de proximité qui s’affirme aujourd’hui est-elle compatible avec une approche globale ?
En matière d’environnement, l’accent a été mis sur les problèmes mondiaux. Ils sont importants, voire vitaux, et ils ont été souvent négligés dans les politiques locales ou nationales.
L’effet de serre et l’appauvrissement de la biodiversité ont ainsi pris une importance croissante, et il faut s’en réjouir. Le problème est que l’on a un peu tendance à les substituer à d’autres problèmes, plus traditionnels ceux-là, mais qui n’en sont pas moins réels et vécus au quotidien par les vivants d’aujourd’hui. Le « global » remplace le « local ». La proximité, thème si important dans la vie réelle, comme on dit, en prend un sacré coup.
N’oublions pas que le développement durable se situe à deux moments, aujourd’hui et demain. Demain, le long terme, a été longtemps négligé au profit de l’immédiat, et il reste encore beaucoup à faire de ce point de vue, mais sa progression s’est faite en partie au détriment d’aujourd’hui, ce qui n’est pas une bonne chose. Le conflit entre les deux époques n’a évidemment aucun sens, il faut résoudre les problèmes d’aujourd’hui sans compromettre l’avenir, gagner sur les deux tableaux à la fois. Le beurre et l’argent du beurre. Aujourd’hui et demain.
L’effet de serre et la biodiversité ont ainsi pris la vedette au bruit et au paysage. Notre esprit cartésien nous a peut-être conduit à séparer les problèmes pour les résoudre, et ce faisant retenir des priorités. Mais ces problèmes-là ne s’oppose pas, ils se conjuguent. Quel que soit le thème retenu pour aborder les questions d’environnement, il n’est qu’une pièce dans un système, et c’est l’ensemble de ce système qu’il faut avoir en tête. Le cloisonnement dans les esprits reste puissant, et empêche d’avoir une vue d’ensemble et cohérente.
L’eau et les déchets suivent leur logique propre. Pour l’opinion, ce ne sont plus des problèmes d’’environnement. Ce sont des services publics, ou bien, dans les cas extrêmes, des affaires de protection civile. Et pourtant, nous savons que ces problèmes sont intimement liés à nos modes de vie, de production et de consommation, nous savons que l’environnement est durement affecté par les accumulations de déchets qui finissent par constituer de véritables continents au milieu des océans. L’eau douce est une ressource rare et fragile, et sera une des premières victimes du réchauffement climatique.
Le lien est donc fort entre la proximité et les enjeux globaux, mais il n’est pas évident et n’influence guère les comportements. Il faut le rendre plus visible, évident en quelque sorte. Voilà un chantier à ouvrir, au-delà des discours et des explications logiques, avec des « approches système » bien loin des préoccupations de nos concitoyens. Il faut entrer dans la pratique, avec des offres de produit, des politiques et des services publics, des règlements qui conduisent les acteurs professionnels à proposer des choix pour la consommation courante intégrant les préoccupations globales. L’éco conception et l’étiquetage des produits sont deux pistes, l’une du côté des producteurs, et l’autre destinées au consommateur, à promouvoir à ce titre.
Il reste la « culture populaire ». Une culture qui s’inscrive progressivement dans les neurones des uns et des autres. Des questions que l’on ne se pose plus, internalisées. C’est là l’enjeu pour que la « demande sociale » porte la préoccupation du long terme avec celle de la proximité et de l’immédiateté. Il faut pour cela des relais d’opinion, des équivalents « hussards noirs » du XIXe siècle. Ils ont porté l’alphabétisation et l’enseignement des notions de base, il faut reprendre la démarche dans le contexte nouveau de la « finitude du monde ».
La fonction peut être développée à l’école, mais celle-ci ne peut pas être le seul ilot de progrès. C’est la société toute entière qui doit se mobiliser. Des « ambassadeurs » sont imaginés ici et là, comme pour le tri des déchets ; les commerçants pourraient jouer pleinement un rôle de conseil des consommateurs dans ce domaine ; la publicité pourrait s’emparer de la qualité environnementale, sans tomber pour autant dans le piège du « green washing » ; les professions de santé et les services publics constituent également des relais potentiels pour accompagner la prise de conscience et la transformer en choix de consommation et de comportement ; et bien sûr la presse, dans sa missions d’information, et les activités culturelles.
Le message ne serait pas perçu s’il n’était pas repris par les pouvoirs publics. Les collectivités publiques doivent s’engager ostensiblement, pour donner le signal. Les achats publics sont en outre un levier significatif pour faire évoluer l’offre de produits et des services. L’exemple des cantines scolaires qui se fournissent à proximité est clair à ce sujet. Le discours peut alors se développer, en complément des actes. Un discours qui donne le sens de toute cette mobilisation, et qui favorise une adhésion réelle à un projet où la qualité de vie, ici et maintenant, est synonyme de respect du futur et du reste du monde. Proximité et global ont une vie à créer en commun.
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