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Les deux défis

L'actualité d'aujourd'hui met en vedette l'économie de guerre. Un défi bien identifié à relever immédiatement, qui s'impose et percute un autre défi, plus difficile à percevoir et inscrit dans la durée, le climat. Une grande différence cependant : l’écologie permet de faire des économies. Même si toutes ne sont pas immédiates, elles seront bien utiles pour rembourser nos dettes le moment venu. Ce n’est pas le moment de baisser les bras sur l’écologie. L’écologie est partie prenante d’une économie de défense, pour des raisons économiques comme pour conforter la résilience de nos territoires.

Malgré tout, l’accent est mis principalement sur l’effort de guerre, qui ne doit pas nous faire oublier la planète, malmenée de différentes manières, climat, biodiversité notamment, avec les effets réciproques sur le développement, humain, culturel, économique. Ce défi nous est apparu récemment quand nous nous sommes aperçus qu’il faudrait plusieurs planètes pour cette satisfaire nos besoins, et que l'humanité vit en bonne partie en prélevant sur un stock de richesses dont nous dépassons les limites sur de nombreux points. Notre dette écologique ne cesse de s’accroître, et nous peinons à prendre la mesure. Plusieurs raisons à cela : un phénomène complexe qui avance très très vite à l'échelle des temps géologiques, mais lentement à l'échelle de la vie humaine ; phénomène qui avance inexorablement avec des points de non-retour et une dimension planétaire qui nous semble inaccessible, bien loin de notre champ de compétence. « Ces choses-là nous dépassent ». Ajoutons que les fortes inégalités entre les pays en termes d'empreinte écologique compliquent l’élaboration d’une approche commune, et que le rythme de progression des enjeux planétaires permet à un négationnisme spécifique de prospérer et de retarder les décisions qui s'imposeraient.

Les deux grands défis d’aujourd’hui pourraient s’opposer, dans la mesure où nos ressources n’étant pas infinies, il faudrait choisir où les affecter prioritairement. 5% de notre production pour la défense, ce sont des milliards qui pourraient manquer au financement de la transition écologique. Et nous sommes lourdement endettés, et la pression fiscale dans notre pays est déjà énorme. L’argent mis sur la défense n’a pas de retour sur notre niveau de vie. Il n’est pas productif, il ne crée pas de richesses, et il consomme beaucoup de ressources. Un investissement essentiellement défensif, pour éviter le pire et garder notre avenir entre nos mains. Il y a toujours des co-bénéfices, des effets positifs de cette dépense dans d’autres domaines, des avancées technologiques notamment, mais le même résultat aurait pu être obtenu directement avec moins d’argent. Ces dépenses d’armement nous sont imposées par les appétits d’autres dirigeants, c’est bien dommage mais sans doute incontournable pour garantir notre liberté et notre mode de vie.

La transition écologique a aussi besoin d’argent, mais il y a deux différences. Il s’agit d’un investissement productif plein pot, qui met notre économie en bonne place pour entrer dans une ère nouvelle et y tenir un rôle actif. Et c’est un investissement qui permet de faire immédiatement des économies. Ajoutons que ce n’est pas de l’argent en plus, mais de l’argent détourné d’autres usages, notamment de toutes les subventions contre-productives comme celles aux énergies fossiles. C’est un autre usage de l’argent qui est nécessaire pour adapter notre société aux défis du climat et de la biodiversité. Il en faudra malgré tout pour financer le risque et l’apprentissage liés aux changements, mais bien peu par rapport aux investissements pour innover et diffuser les nouvelles pratiques. Aujourd’hui, nous finançons deux modèles à la fois, l’ancien pour ne pas rompre avec le passé et les intérêts qui en dépendent, et le nouveau, qui s’impose malgré les incertitudes sur les chemins de la transition. Il y a surement des économies à faire en choisissant clairement le futur.

Les tensions actuelles pourraient faire craindre l’abandon ou la baisse des ambitions environnementales, dans un contexte où, en plus, de nombreux intérêts tentent de faire oublier le défi écologique.

Le défi « Défense » et le défi « Climat » ne sont pas incompatibles, à condition de tourner résolument la page des énergies fossiles. Doubler le budget de la Défense demande de l’argent dédié, qui doit être prélevé quelque part, et pèsera sur les autres postes de dépense publique. Le risque est grand que, par sécurité, nous nous replions sur les « valeurs sures », l’ancienne économie, ce qui nous condamnerait à terme, économiquement si ce n’est militairement. Une autre voie serait de choisir le futur, et d’orienter préférentiellement les finances publiques au soutien de la transition et à l’émergence du monde de demain. Un budget pour booster la transformation de nos activités. Non pas une fiscalité écologique, mais une écologisation de tous les secteurs de l’économie.

 

Edito du 12 mars 2025

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