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Excusez-moi de vous déranger

Brice Lalonde
© Editions de l’Aube, 2022



Un livre qui dérangera effectivement les dogmatiques et tous ceux qui aimeraient que « rien ne change », les conservateurs de tous poils.
C’est le livre d’un des premiers animateurs du mouvement écologiste, qui fait le point sur ce qu’est devenu ledit mouvement, et en propose une vision moderne, débarrassée des certitudes du passé. Un nouveau mode de penser, pour « construire une nouvelle période de notre histoire, celle de la sortie en quelques décennies des énergies fossiles et, pour cela, mettre en place de nouveaux moyens ».


Un livre aux multiples facettes. L’histoire du mouvement écologiste, rapidement brossé avec ses grandes étapes et ses dérives. Une histoire, aussi, de la prise en compte de l’environnement dans la vie politique, et notamment du rôle délicat des ministres en charge. La montée en puissance du climat, en France et dans le monde, en est une composante essentielle. L’expérience de l’auteur lui permet de décrire le fonctionnement hasardeux des COP climat et autres grandes messes internationales sur le sujet, et de marquer son intérêt pour les « alliances » qui ont permis de progresser sur la recherche et les solutions techniques.
Un autre volet témoigne de la foi en la science, que Brice Lalonde développe tout au long de l’ouvrage, et du rôle que devrait jouer le mouvement écologiste à cet égard : « La démocratie technique, voilà ce que les écologistes doivent inventer ». Les apports de la science doivent permettre d’affronter le principal problème d’aujourd’hui. Ce n’est pas, comme beaucoup l’ont pensé, le déficit d’énergie, mais le trop plein de carbone. Le défi s’appelle décarbonisation de la société. Un objectif à atteindre sans pour autant se priver des plaisirs de la vie. Le retour en arrière est impossible.
Pour y parvenir, Brice Lalonde, ancien pourfendeur du nucléaire, a changé d’avis. Il mise essentiellement sur cette énergie, « un moindre mal », au point, me semble-t-il, de sous-estimer les progrès récents et les avancées industrielles des énergies renouvelables. Eloge, donc, de l’électricité décarbonée, avec le nucléaire en navire amiral, accompagné de quelques énergies renouvelables. Un nucléaire modernisé, dont la part dans le monde devrait s’amplifier.
Bien d’autres facettes de ce livre pourraient être signalées, en voici trois.
L’Europe, qui présente un potentiel exceptionnel mais dont le mode de fonctionnement provoque bien des déceptions. « Resserrons les liens de l’Union européenne. Car si l’Europe parvient à la neutralité carbone, l’exemple sera irrésistible ». La place des entreprises, ensuite, sans lesquelles « rien n’est possible ». Le rôle de l’agriculture, enfin, qui doit prendre « soin des sols », et de l’alimentation, en visant une « gastronomie climatophile », dont l’huitre, qui « capte le carbone et le stocke da sa coquille » est une ambassadrice toute désignée.
L’inquiétude de Brice Lalonde sur l’Afghanistan et la montée de l’islamisme nous rappelle par ailleurs que le climat n’est pas le seul danger qui nous menace.
Revenons, pour conclure, au mouvement écologiste tel que Brice Lalonde l’imagine aujourd’hui. « L’écologisme n’est pas l’esquisse d’une utopie (…), mais l’exigence renouvelée de la liberté de choix ». « L’écologisme s’inscrit dans la tradition des Lumières, s’efforce de comprendre le monde, revendique de façonner le futur ». Une grande ambition collective, mais aussi une aventure personnelle : « Réussir sa vie, c’est maîtriser son environnement : la maison, le voisinage, le pays proche, l’air respiré, l’eau et les aliments, les parcours, le réseau des relations, l’appartenance au groupe, la place que l’on y occupe ». Et une « certitude » en forme de programme politique, bienvenu en ces temps d’élection : « Si nous développons des politiques volontaires qui orientent progressivement les modes de production et de consommation vers la tempérance, les énergies décarbonées, l’économie circulaire, la maintenance, la régénération de la nature, nous transformerons la peur en espoir ». Ça ne nous dérangera pas.
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