
Simplification : Un détournement qui coute cher
C’est comme la santé. L’écologie est partout. Science des systèmes, elle figure toujours quelque part dans le tableau, quelle que soit votre activité. Même les plus simples, manger, habiter, se vêtir, se déplacer, partir en vacances, vous n’y échappez pas. Que dire des activités plus complexes, de production d’objets ou de services. La santé dépend aux ¾ de notre environnement, et à chaque fois que vous consommez, vous utilisez des ressources naturelles, renouvelables ou non, et vous rejetez quelques déchets. C’est ainsi que le monde fonctionne et il faut s’inscrire dans ce processus. Il semble que les législateurs-simplificateurs l’ait oublié, un oubli qui coutera très cher.
Puisque l’écologie est partout, tout règlement sur l’écologie est aussi un règlement sur nos activités. Notre alimentation, par exemple, provoque des règlements sur la production agricole, la manière de l’obtenir, de la conserver, de la conditionner, de la commercialiser, et de la préparer pour votre déjeuner. Et ensuite pour gérer les déchets, comme les épluchures ou les os, ou encore les emballages. Retournons le raisonnement : les lois environnementales ont pour objet de nous protéger, de nous garantir une qualité sanitaire, et de permettre à d’autres activités de se développer sans incidence fâcheuse. S’il y a des lois sur l’environnement, ce n’est pas pour la nature en elle-même, mais pour les humains à qui elle fournit un cadre de vie, de l’eau pour boire et bien d’autres usages, un air pur et une haute atmosphère protectrice, des matériaux, des poissons, des dispositifs gratuits de régulation, etc. Notre garde-manger, notre pharmacopée, notre patrimoine génétique, nos ressources pour l’industrie, et bien d’autres choses encore.
Evidemment, cette omniprésence de l’écologie peut agacer. Il faut toujours y faire attention, parfois changer nos plans, abandonner des projets ou les modifier profondément. Pendant des millénaires, les humains n’ont pas eu à s’en soucier, tant la Terre était grande, à l’exception notable des habitants des iles confinés sur des territoires « finis ». La Terre était infinie, et chacun cultivait son jardin en espérant en tirer le maximum, tout en l’enrichissant. Mais « nous n’habitons pas la même planète que nos aïeux, la leur était immense, la nôtre est petite », nous dit Bertrand de Jouvenel. Finie l’insouciance, il va falloir faire attention, et conserver la richesse de notre planète au lieu de profiter sans précaution de ses ressources. Triste perspective, pour nous qui nous étions habitués à profiter de la nature sans vergogne, comme si elle était infinie et immortelle. Nous nous sommes résolus à écrire des lois pour nous le rappeler et encadrer nos efforts de bonne gestion de ce patrimoine. Et voilà l’environnement qui vient gêner les agriculteurs, les industriels, les énergéticiens, les routiers, les stations touristiques, etc. Des lois acceptées à contre cœur, parce qu’il le faut bien, mais que nous considérons comme des freins, des obstacles à notre créativité et à nos activités.
Des lois qui arrivent en plus des autres, liées à nos approvisionnements ou au respect de la concurrence, ou encore à la sécurité. C’en est trop ! Nous ne pouvons plus rien faire, il y a trop de lois, il faut SIMPLIFIER. Une bonne occasion de faire le tri dans tous ces textes qui nous enserrent dans un carcan insupportable. Et l’on oublie tous les problèmes que ces lois étaient censées régler. Chacun le nez sur son guidon, obnubilé par les contraintes immédiates, voudrait bien oublier les autres contraintes. Peu importe que ces contraintes soient source d’économies, et parfois de grosses économies, elles gênent ici et maintenant, débarrassons-nous-en ! La dépollution de l’eau coute une fortune, bien plus que n’aurait couté l’adoption de techniques propres, mais séparons les questions, produire d’un côté, avec les producteurs qui en vivent, et consommer de l’autre, avec des produits impropres à la consommation s’ils ne sont pas traités et reconditionnés. Chacun son métier ! Résultat : détournons l’objectif légitime et vertueux en soi de simplification pour lever tous les obstacles à la production, tout ce qui relève de la prévention, de la gestion des biens communs, du patrimoine de nos héritiers, du futur. Un grand bond en arrière, qui nous rappelle le grand bond en avant de la Chine du président Mao, où l’éradication des « nuisibles » avaient conduit à la famine et à des millions de morts.
Ce n’est pas l’environnement qui coûte cher, mais l’absence d’environnement. Ce n’est pas la prévention ou la précaution, c’est la réparation.
Edito du 25 juin 2015
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