
Dette écologie, dette financière
Nos enfants ont bon dos. C'est en leur nom que nos dirigeants appellent à la rigueur. Pas question de leur laisser une charge qui pourrait vite devenir insupportable. Déjà, il y a quelques années, la fameuse règle d'or devait nous ramener à la raison. Qu'en est-il dans les faits ? Limitée aux flux financiers, elle aurait plutôt favorisé et le court-termisme et une exploitation sans réserve du patrimoine. En effet, le report de nombreuses dépenses permet de respecter la règle d'or, mais à quel prix ? Les économies sur l'entretien et la modernisation du patrimoine, matériel comme les bâtiments (comme le Louvre), ou humain comme l’enseignement, coûteront cher demain. La passivité sur ces patrimoines permet d'équilibrer les comptes, mais au prix d’un appauvrissement dont nos enfants seront victimes.
Le discours sur la dette avait été élargi par Michel Barnier a la dette écologique, oubliée depuis, mais qui subsiste et se manifeste à sa manière. Le coût du changement climatique est de plus en plus lourd, avec les ouragans, les incendies, les sècheresses et les inondations, ainsi que celui des pollutions. Le cas des PFAS, les « polluants éternels », récemment mise en évidence par la presse, en apporte une illustration éloquente.
Il s'agit d'un composant aux multiples qualités, présent dans de nombreux produits industriels et agricoles, l'une de ces qualités étant sa persistance. Des molécules indestructibles avec les traitements habituels, et dont l'élimination coûte une fortune. Les PFAS représentent une menace pour la santé humaine, et en plus à faible dose. Présents dans les airs, les eaux (y compris de pluie) et les sols, ils se retrouvent « naturellement » dans les organismes vivants, et notamment humains. Cela fait 80 ans que cette substance est répandue et le nombre de sites pollués identifiés ne cesse de grimper. La question se pose aujourd'hui de les éliminer, paradoxalement sans qu'il ne soit encore décidé, au niveau européen, de ne plus en produire. Puisqu'il est ici question d'argent, le coût pour la santé n'a pas été évalué, mais un consortium européen de journaux, dont Le Monde pour la France, a calculé le coût de son élimination : la fourchette est large selon l'ambition du projet mais l'estimation la plus pertinente semble être pour l’Europe de 100 milliards d'euros par an pendant 20 ans, et plus longtemps bien sûr si nous continuons d’en répandre.
Ces produits ont fait les beaux jours de l’industrie et des fabricants d’engrais pendant des décennies, mais ils laissent une dette à nos enfants. Une double dette, écologique et financière. Nous aimerions que les discours sur la dette, nécessaires, soient exhaustifs, et n’oublient pas cet aspect du problème. Nous y retrouverions trois volets, le coût sanitaire, la résorption mais aussi, en préalable pourrait-on penser, l’arrêt de la production. Comme pour le tabac, les activités concernées jouent les prolongations, et cherchent à gagner du temps. La dette grossit. Pendant combien de temps encore ?
Les PFAS tiennent la vedette aujourd’hui, mais ils ne sont qu’un produit parmi d’autres, aux effets sanitaires particulièrement couteux. L’affaire de l’amiante en a été un fleuron, comme de nombreux produits phytosanitaires, dont beaucoup ont été retirés de la vente du fait de leur dangerosité.
Pour réduire la dette, différentes initiatives ont été prises, avec des instruments règlementaires, financiers ou techniques. Une cause d’endettement écologique aux effets financiers persistants sont les rejets variés de produits polluants dans l’environnement. Les rivières notamment sont contaminées, et souvent aussi les eaux souterraines. L’eau n’est plus naturellement potable, il faut la traiter et cela a un coût qui aurait pu être évité par une gestion rigoureuse des zones de captage. Les agences de l’eau ont été créées pour responsabiliser les pollueurs, les aider à moins polluer et les faire participer à la dépollution. Malgré leur action, l’état de la ressource en eau n’est pas très vaillant, il reste une dette que nos enfants devront honorer. Différents systèmes de taxes ont été mis en place en application du principe pollueur-payeur, pour les déchets et les rejets dans l’air, mais malgré ça, la pollution continue.
Négliger la dette écologique, c’est en définitive creuser en plus une dette financière, à laquelle s’ajoute les coûts humains, non monétisables. Il est bon de penser à nos enfants pour leur éviter de payer nos excès de dépenses, mais en comptant tout ce qui compte.
Édito 22 janvier 2025
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