Patrimoine
Nous continuons notre réflexion sur la règle d’or, dans une perspective de développement durable, en y intégrant le patrimoine public.
Une règle d’or sans référence au patrimoine serait bien bancale. Il s’agit de préserver l’Avenir, et les capacités des Générations futures. Ne pas dépenser plus que ce que l’on produit est une bonne chose, à Condition que cet équilibre sur les flux ne se fasse pas en pompant sur le stock.
Ne pas l’écrire dans une « règle d’or » serait bien imprudent.
On pourrait bien « vendre les bijoux de famille », pour satisfaire formellement une exigence qui se révèlerait alors contre-productive. On a vite fait de dilapider un Capital accumulé par de longues années d’effort et de Rigueur. S’il est vrai que les Economies d’un ménage doivent permettre de faire face aux coups durs, les réserves d’un Etat peuvent être mobilisées pour surmonter une Crise. Ce n’est pas cependant leur vocation première, qui est de constituer un capital productif, dont les performances doivent s’améliorer en continu.
OK pour présenter des comptes bien « propres », conformes aux standards des agences de notation financière. Mais quel sens cela aurait-il pour l’entreprise « France », ou « Europe » ou même « Monde » si ces comptes masquaient un appauvrissement du capital productif de ces collectivités ?
En France, l’Etat et le secteur public en général disposent d’un patrimoine considérable. Il prend diverses formes, matérielles ou immatérielles.
Au titre du patrimoine matériel, l’immobilier. Il peut se traduire aisément en Argent, pour la part susceptible d’intéresser des investisseurs, entreprises ou particuliers. La presse s’est fait l’écho, cet été, de vente de palais de justice rendus vacants par la réforme de la carte judiciaire. Les Prix annoncés semblaient bien Faibles, compte-tenu de la nature de ces biens, peu adaptés à d’autres Usages que ceux pour lesquels ils ont été conçus.
Toutes les réformes structurelles des services de l’Etat entraînent une remise à plat des besoins fonciers et immobiliers. L’adaptation en continu du patrimoine public est nécessaire, mais il faudrait s’assurer que la Valeur de ce patrimoine reste équivalente, même en prenant de nouvelles formes. L’enchevêtrement, en France, des responsabilités et des Compétences des collectivités ne rend pas les choses faciles, les décisions de l’Etat se répercutant souvent sur le patrimoine de Villes, de départements ou de régions. La réforme de la carte militaire en est un autre exemple intéressant, qui ouvre aux collectivités des opportunités d’aménagement « historiques », et qui ne se reproduiront pas. Ces opportunités ont une valeur réelle, à intégrer dans les comptes patrimoniaux.
Maintenir le patrimoine n’est certes pas le figer, c’est au contraire, le faire évoluer pour qu’il reste en permanence productif. Ça peut demander de l’argent frais, et entrer en conflit avec une règle d’or strictement conçue sur les recettes et les dépenses annuelles. C’est donc une gestion Dynamique du patrimoine qu’il faut engager. De réels Progrès ont été accomplis ces dernières années dans la gestion du patrimoine immobilier public, un effort à prolonger et à inscrire d’une manière ou d’une autre dans la règle d’or.
Le patrimoine des collectivités est aussi immatériel, comme la Culture . On voit ce que signifie pour une région l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. La Qualité d’un site, d’un Paysage, d’un monument, constitue un patrimoine productif formidable, mais souvent fragile. On a vu récemment comment un projet de pont à Bordeaux a failli coûter à cette ville la radiation de la liste de l’UNESCO. Le débat en cours sur l’avenir de l’Hôtel de la Marine à Paris, place de la Concorde, est également instructif à cet égard.
Le patrimoine de l’Etat, c’est aussi des participations dans des grandes entreprises. Une capacité à influencer la gestion de ces poids lourds de l’économie, qui revêt également une valeur incontestable. Et puis il y a le Louvre et le CNRS, les réseaux de services publics comme les hôpitaux et les canaux de France, un capital humain de fonctionnaires, et bien d’autres choses. Il faut bien sûr trouver la meilleure manière de valoriser ce patrimoine, qui n’est pas immuable, mais qui doit conserver et même accroître sa capacité à produire du service, de la Richesse, du bien-être. Abandonner à leur sort les canaux Freycinet, par exemple, c’est laisser filer un potentiel réel. Les efforts actuels pour les moderniser et trouver de nouvelles modalités d’exploitation, qui demandent un investissement considérable, permet de leur redonner de la valeur. Comment inscrire cette approche patrimoniale dans la règle d’or ?
Il faut donc adopter une approche prospective, intégrant, développement durable exige, la satisfaction des besoins d’aujourd'hui – et en premier lieu ceux des plus démunis - et la préservation des capacités des générations futures à répondre aux leurs.
La règle d’or rejoint ainsi la définition du développement durable, exprimée dans le rapport Brundtland. Mais une règle élargie au patrimoine réel. S’agissant du budget de l’Etat, la règle devrait imposer une évaluation du capital productif de l’Etat, et imposer qu’elle reste équivalente, rapportée à la population, à défaut de s’accroître dans une perspective de progrès social.
Chronique mise en ligne le 28 août 2011
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