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Gouverner c’est prévoir

« Gouverner c’est prévoir et décider. Voilà que depuis 7 mois, le gouvernement de la France n’a pas su faire », disait Adolphe Thiers en mars 1831. Aujourd’hui, nous pouvons nous poser la question : Sommes-nous gouvernés ? L’absence d’anticipation face à des évènements prévisibles nous le laissent craindre. Le réchauffement climatique est bien documenté, les prévisions du GIEC et des climatologues sont bien connues, les recommandations de l’Agence Internationale de l’Energie aussi, et pourtant les réponses apportées sont bien en-deçà de ce qu’il faudrait faire. Bien d’autres sujets semblent bien loin des radars, comme l’accumulation des déchets du plastique dans l’environnement et la pénurie d’eau douce qui se profile, dans le domaine de l’environnement. Il y a bien sûr des rapports, des déclarations, mais les plans et autres programmes d’action apparaissent bien au-dessous des enjeux, et ne sont pas appliqués rigoureusement. Nous sommes loin des mesures qu’il faudrait prendre pour réagir efficacement et endiguer la montée qui semble inexorable de ces problèmes, véritables bombes à retardement. Un autre sujet apparait régulièrement dans l’actualité, qui semble aussi laissé à l’abandon : le vieillissement de la population. Un phénomène inéluctable, qui provoque plutôt des plaintes et la nostalgie des temps heureux où nous faisions des enfants.

La population française vieillit, et l'Insee nous le rappelle régulièrement même si nous l'oublions très vite ensuite. La part des vieux augmente notamment du fait que nous faisons moins d'enfants. La pyramide des âges aurait une tendance à s'inverser, la base devenant plus restreinte que le sommet. Le discours dominant se lamente de cette baisse de la natalité, avec le retour sporadique de propositions natalistes, telles que le réarmement démographique. Le vieillissement de notre population mérite mieux.

Le phénomène est inéluctable, il est la conséquence mathématique de la stabilisation de la population. Une croissance indéfinie n'est pas envisageable, le 21e siècle sera celui de la stabilisation, et il nous faut dès maintenant en gérer les effets. Mieux vaut s’y préparer au lieu de s'en plaindre, ou de tenter de repasser le problème à nos enfants.
Oui, la croissance démographique nous apporte des facilités dont nous avons profité et que nous avons intégrées dans notre mode de pensée sans même en avoir conscience. Ces facilités se rappellent à nous quand elles nous échappent. La question des retraites joue aujourd'hui ce rôle de rappel, mais la fin de la croissance démographique entraîne des conséquences bien plus larges auxquelles nous devrions nous préparer.

Sur la question du travail, la règle que nous avions dans nos esprits et qui nous semblait naturelle était la diminution du temps de travail, et la baisse de l'âge du départ à la retraite. Voilà subitement que l'inverse s'impose à nous. Il faut travailler plus et plus longtemps. Un choc culturel que nous avons du mal à accepter. Nous avons raison. La question du travail ne se réduit pas à la durée, cela fait longtemps que nous aurions dû engager la réflexion sur l'adaptation des modes de travail au vieillissement. Cela aurait ouvert le champ du possible, et nous ne serions pas condamnés la solution unique de l'augmentation du temps de travail. Notre capacité de production dépend de bien d’autres facteurs, formation, organisation, management, qualité de vie au travail, R&D, nature de la production, partage des bénéfices, etc.

La question du vieillissement a des effets sur toute la société et nos modes de vie. Elle concerne le travail bien sûr, mais aussi la santé, le logement, la culture, les loisirs, et bien d'autres choses d’un point de vue individuel. Du point de vue collectif c'est la dynamique de la société qui est en jeu, une population vieillie n'ayant pas les mêmes réactions et la même capacité d'anticipation qu'une population poussée par des générations montantes, qui aspirent aux responsabilités.

Le vieillissement devrait mobiliser toutes nos forces prospectives pour imaginer les réformes à accomplir dans tous les domaines pour ne pas se retrouver dépourvu au fur et à mesure qu’il se manifestera. Au lieu de cette anticipation, nous observons plutôt une passivité, une résignation, qui nous laisse désemparés quand les échéances approchent. Les décisions prises dans ces conditions relèvent alors de la régression sociale, ou de la recherche désespérée de retour aux modes de vie d’hier, idéalisé à cet effet. Le vieillissement, bénédiction puisqu’il s’agit aussi de l’allongement de la vie, devient ainsi une charge, puisque nous n’avons pas d’autre réponse que des aménagements de quelques paramètres réputés intangibles. L’absence d’anticipation nous conduit à une simple adaptation du passé, et nous empêche de repartir sur des bases rénovées et conformes aux exigences de l’époque.

Le constat peut être étendu au réchauffement climatique et à bien d’autres phénomènes dans des domaines variés. Plus tard nous réagirons, plus étroites seront nos marges de manœuvre, plus ce sera douloureux. Faut-il encore « croire à ce que nous savons », pour paraphraser la phrase de Jean-Pierre Dupuy.

Edito 22 janvier 2025

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