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L’environnement occulté

Où est passé l’environnement ? Voilà un sujet que beaucoup estiment crucial, qui a pourtant été absent des débats dans les dernières élections, et des motifs de vote des Français d’après les sondages. Il faut croire que les porteurs de l’environnement n’ont pas su mettre leur thème de prédilection au cœur des enjeux. Mauvais temps pour le climat et la biodiversité, pourrait-on en conclure. Mauvais temps aussi pour la qualité de vie des Français, et pour leur porte-monnaie. Tout se passe comme si l’abandon de toute ambition pour l’environnement n’avait pas d’impact sur notre vie quotidienne, laquelle est présentée par le RN comme leur préoccupation principale. L’environnement serait-il accessoire, voire un luxe ou une affaire de bobos des villes ? Les dirigeants du RN n’ont sans doute pas compris que la bonne santé, physique et mentale, dépendait directement de l’environnement, du cadre de vie et de notre alimentation. Si nous nous intéressons à la qualité de l’air, c’est parce que nous le respirons, à l’eau c’est que nous la buvons, etc. Laisser filer l’environnement, c’est accepter soit un risque pour notre santé, notamment celles des personnes fragiles, soit une augmentation du prix de l’eau, qu’il faudrait bien traiter. « Ne pas ennuyer les Français » avec l’environnement n’est pas un choix anodin, c’est l’acceptation de problèmes de santé publique et une pression supplémentaire sur le pouvoir d’achat des Français.

Les écologistes ont le défaut de parler du budget nécessaire pour assurer la transition écologique. Chacun en déduit que l’environnement coûte cher, et qu’en période de crise, voilà un poste où l’on peut faire des économies. C’est tout le contraire, ce n’est pas l’environnement qui coûte cher, mais l’absence de mesures de protection. La transition est un investissement hautement rentable, et la retarder sera payé cash. Par exemple, la Banque mondiale, dans son dernier rapport sur l’agriculture, affirme la nécessité « de réorienter drastiquement le modèle agroalimentaire mondial, dont la forme actuelle pousse la planète au-delà de ses limites opérationnelles ». Pour l’Europe, les financements de la politique agricole commune permettraient d’accompagner le changement auprès des agriculteurs. Un nouvel usage des ressources disponibles, pas une dépense en plus. La prolongation des pratiques actuelles – dont nous pouvons craindre qu’elle soit retenue - serait à l’inverse la cause de dépenses à fonds perdu.
La question de l’énergie a aussi été malmenée dans ces élections. L’électrification à marche forcée permet de lutter contre l’effet de serre, et de ménager la nature. L’électricité comme source d’énergie des voitures, remise en question, est une occasion de décarboner le poste « mobilité », le 1er par son importance en France, et de gagner des surfaces agricoles. Les agrocarburants consomment en effet un million d’hectares en France, avec un rendement et un bilan carbone très médiocre. La surface de capteurs solaires nécessaires pour le même résultat est infiniment plus faible, de l’ordre de 100 fois moins, à condition bien sûr d’alimenter des moteurs électriques. Toute cette surface de gagnée pour assurer la souveraineté alimentaire et la biodiversité. Sans parler de la balance des paiements avec les pays producteurs de pétrole. Retarder la mutation du parc, au motif du prix des véhicules électriques est contraire à nos intérêts, d’autant plus que la référence aux prix tels qu’ils se présentent aujourd’hui n’a aucun sens pour la situation de 2035.

Autre contradiction, concernant les éoliennes. Elles sont la source d’électricité la moins chère parmi celles créées aujourd’hui. Quand le pouvoir d’achat, et notamment le prix de l’électricité sont montés en tête d’affiche, il est curieux de voir pénalisée, et peut-être même abandonnée, la source la plus économique. Le relai du nucléaire est pour dans 15 ans, et le KWh du « nouveau nucléaire » sera deux fois plus cher que celui des centrales actuelles. Il y a mieux pour sauvegarder le pouvoir d’achat. Sans oublier que la production locale, à base de vent, de soleil, ou de végétation, est parfaitement contrôlable, de proximité et en partie en circuit court avec l’autoconsommation.

L’absence de débat sérieux sur l’environnement dans ces élections dont chacun rappelle l’importance pose un réel problème. L’impression que le climat est devenu subitement une affaire mineure, laisse craindre qu’il soit effectivement oublié, ce qui nous couterait cher au quotidien - ça a déjà commencé - et nous mettrait en retard sur les techniques à développer en réponse au réchauffement. Le déclassement souvent évoqué serait alors une réalité.

Edito du 24 juillet 2024

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Commentaires

0
poss
6 mois ya
Bonjour, Dominique,
L'environnement est encore le grand absent du discours du Président, à propos des mesures d'avenir à prendre. Et reste bien modeste, uniquement par le volet climatique, dans la première expression de Mme Castets, présentée comme candidate. La prise de conscience "politique" reste encore à faire; Avec, mauvaise nouvelle très médiatique, la conversion "écologique" du roi Charles III, symbolisée par le passage de ses Bentley au "biocarburant", dont cet éditorial montre la nocivité au titre d l'usage des sols. Et je soupçonne même qu'une partie de ce "biocarburant" anglais serait produit par la récolte d peuplements feuillus du Sud Est des États-unis, ce qui serait en contradiction totale avec le discours présenté.
L'influence des hydrocarbures est toujours aussi présente, même si elle avance avec un masque...
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