Elections
Le nouveau mode de pensée que demande le développement durable concerne la vie politique comme les autres aspects de notre vie. Le mode d'élection offre une bonne illustration de la transposition du développement durable en politique.
Il y a bien sûr une relation forte entre la bonne gouvernance et les élections, plus particulièrement la manière de choisir les représentants de la population pour la durée d’un mandat. La démocratie participative est souvent évoquée, mais n’oublions pas pour autant la démocratie élective, qui assure la responsabilité des décisions.
La bonne gouvernance, une des bases bien connues du développement durable, suppose qu’il y ait des gouvernants, qui décident, à l’aide de processus de décision qui doivent être à la fois ouverts et efficaces. Ouverts, pour ne pas reproduire à l’infini les vieilles formules, intégrer en continu les innovations sociales et technologiques, et ne pas être prisonnier de modèles dominants qui deviennent inévitablement conservateurs. Efficace, parce que les enjeux sont pressants, et qu’il faut dégager des consensus pour des décisions lourdes. Il s’agit de créer une dynamique collective, fondée sur l’adhésion la plus large à un projet construit ensemble. La présence plus que symbolique dans les instances délibératives de toutes les sensibilités de l’électorat semble sur ce point une condition première.
Il semble bien que la réforme annoncée des collectivités départementales et régionales, projet de Loi actuellement débattu, s’oriente délibérément vers la recherche de majorités automatiques. Celles-ci seraient le gage de la stabilité et de l’efficacité des assemblées. Le rapprochement des deux assemblées, conseil régional et conseil général, est un projet ancien, que Jean-Pierre Raffarin notamment avait présentée avant même qu’il ne soit Premier ministre. Il peut y avoir du bien à mieux coordonner les niveaux de décision, dans l’esprit de communautés de communes transposé à l’échelon géographique supérieur. Il faudrait même en profiter pour sortir les conseils généraux de leur rôle de saupoudrage. Il est bien connu que l’on attend avant tout de son conseiller général qu’il ramène la manne départementale sur son canton. Le mode de désignation, par canton, provoque naturellement le clientélisme, les options Politiques partisanes étant bien loin. La présidence de conseils généraux par le doyen d’âge, faute de dégager une majorité politique, est un évènement fréquent et qui ne soulève pas d’inquiétudes particulières. Provoquer un débat populaire sur les grandes options dans la vie du département ne serait pas un Luxe, s’il est conçu comme la construction d’un projet commun, et non une foire d’empoigne dans la recherche effrénée du pouvoir et des honneurs.
Les élections régionales constitue le dernier refuge de la proportionnelle. Le rapprochement des deux élections, régionale et départementale, pourrait en sonner le glas, en privilégiant le scrutin par circonscription. La proportionnelle a déjà été sérieusement écornée. Un commentateur politique lui reprochait notamment d’avoir obligé les élus à se positionner face aux Front National, épreuve redoutable quand on est au seuil du pouvoir. Une prime majoritaire a donc été créée pour éviter ce genre de situation embarrassante. Il ne sera plus besoin de se dévoiler, ouf ! C’est ainsi que le personnel politique entend se protéger, par des Artifices de procédures qui leur évitent de prendre leurs responsabilités.
La proportionnelle est une école de responsabilité. Elle conduit les élus à travailler ensemble, au lieu de libérer les majoritaires de toute écoute des autres, et les minoritaires de toute exigence d’efficacité. La persistance des modes de scrutin majoritaires conduit progressivement à des positions tranchées, souvent caricaturales allant de l’assemblée Godillot au je m’oppose parce que je suis dans l’opposition. Il y a une culture de la proportionnelle, et il doit y avoir aussi, car le monde n’est pas parfait, des procédures de sanction et de sortie de crise en cas de besoin.
Il est vrai que les partis dominants, ceux qui rédigent et font passer les lois électorales, n’aiment pas la proportionnelle. Celle-ci les oblige à composer avec les petits, ce dont ils se passeraient volontiers. Dans l’industrie, les grandes entreprises savent bien qu’elles ont besoin des petites. La théorie nous dit que l’innovation est l’affaire des petits, mais le développement est l’apanage des gros. La cohabitation est donc nécessaire, et le pragmatisme, voire le cynisme des grands industriels, et la sanction du marché bien sûr, les conduit à collaboration fructueuse avec les petits, même si elle est pleine d’ambigüités. En politique, les grandes formations préfèrent rassembler, c'est-à-dire contrôler tous les électrons libres. La créativité politique en est la première victime.
Le développement durable ne s’arrête pas aux frontières du monde politique, il doit y inscrire sa marque. Un nouveau mode de pensée aussi pour le débat public et les prises de décision, qui doit se traduire dans les institutions. Comme la gouvernance, ça ne se voit pas, les institutions sont bien abstraites, et il est difficile de les intégrer chacun à son univers quotidien. Mais elles produisent des effets, qui seront bien différents selon qu’elles poussent au combat, à l’affrontement pour désigner un vainqueur, ou qu’elles conduisent à l’écoute mutuelle, à la confiance et à la recherche de solutions dont chaque citoyen, chaque entreprise, se sentira porteur.
Chronique mise en ligne le 23 mars 2010
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