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La cause et l’effet

Ce sont surtout les symptômes qui nous font réagir, quand un problème survient, mais nous savons qu’il vaut mieux le prendre à la racine, le tuer dans l’œuf si possible. Dans la pratique, il est fréquent que le mal ait couvé, parfois longtemps, sans émergences visibles, ou à peine perceptibles, ce qui donne des excuses pour ne pas l’avoir pris en charge plus vite. La recherche de signaux faibles permet malgré tout de repérer en amont les sujets qui montent, et de ne pas se laisser surprendre.

Le mal n’est pas toujours le diable, mais juste un dérangement qui nous oblige à changer. Le vieillissement de la population est le fruit d’une longue évolution, il affecte nos équilibres et notre organisation sociale, mais nous n’en prenons conscience que quand il se manifeste dans notre vie quotidienne. Ce n’est pas un mal en soi, mais l’impréparation renforce notre incapacité à prendre ce phénomène comme une opportunité. Certains tentent de lutter contre, mais cette lutte est vaine, elle ne peut que retarder les échéances, et nous empêcher de consacrer nos énergies dans la recherche d’un mode d’organisation de la société compatible avec le vieillissement. Les causes du vieillissement sont connues, l’allongement de l’espérance de vie et la stabilisation de la population, et il n’est guère envisagé de s’y attaquer. Puisque le phénomène est inéluctable, il vaut mieux s’y préparer que de revenir sur les causes avec des artifices.

Dans d’autres cas, les causes sont bien connues, et peuvent être corrigées. La prévention est là pour ça. Il vaut mieux prévenir que guérir, dit la sagesse populaire. La question de l’eau douce est aujourd’hui bien connue. Le réchauffement climatique, la pollution sous diverses formes, des pluies acides aux résidus de plastiques, les pratiques agricoles et la transformation des paysages. Nous pouvons agir sur ces causes pour atténuer les effets, avec des temps de retour variables. L’inertie des phénomènes en cause est grande, comme les erreurs d’aménagement qui ont conduit à construire sans précaution sur des terrains inondables. Il est cependant curieux d’observer aussi l’inertie dans les esprits. Nous savons que les tourbières, par exemple, sont des formidables stockages d’eau et de carbone, deux sujets sensibles, et pourtant nous ne parvenons pas à les protéger. Tous les éléments naturels qui concourent à retenir l’eau et la conserver dans la durée ont été touchés par la recherche frénétique de terres à cultiver, ce qui nous oblige aujourd’hui à créer artificiellement des ouvrages pour rendre plus cher le même service dans de moins bonnes conditions. Ces stockages naturels permettent en outre de dépolluer les eaux gratuitement. En marge de la COP 16 en Colombie, sur la diversité, nous apprenons que les subventions néfastes atteignent près de 2 600 milliards de dollars par an, en hausse de près de 800 milliards en deux ans, alors qu’il est bien difficile de réunir les quelques centaines de milliards par an nécessaires pour atteindre les objectifs de la COP.

La lutte contre le réchauffement climatique est une œuvre de longue haleine, qui nous oblige à modifier notre mode de vie. Ce serait grave si nous n’arrêtions pas d’en changer. Regardez le chemin parcouru en 20 ans, et vous conviendrez que nous ne vivons pas aujourd’hui comme hier. Il ne s’agit donc que de piloter le changement, pour que nos modèles culturels nous incitent à aller vers un état d’équilibre de notre milieu de vie, plutôt que s’en éloigner. Les difficultés de l’exercice poussent certains intérêts – parfois les mêmes que ceux qui dénient le dérèglement climatique – à promouvoir une solution globale, uniquement technique, qui permettrait de ne pas toucher aux causes du réchauffement. C’est la géo-ingénierie qui fait de la planète un objet d’expériences en touchant directement les grands équilibres, le rayonnement solaire, la composition des nuages ou des océans. Dormez braves gens, nous nous occupons de tout. Les causes resteront, les effets disparaitront. Un rêve d’apprenti sorcier, qui permettrait de prolonger la vie des énergies fossiles, au risque de ne plus maitriser un emballement de transformations imprévues (1).

Le raisonnement développé ci-dessus pour l’eau douce et le climat peut être décliné dans bien d’autres domaines. La santé des humains, par exemple, est largement dépendante de celle de leur milieu de vie, « une seule santé », nous dit l’OMS. Mieux vaut offrir un environnement sain, à la ville et à la campagne, au travail et à la maison, que de soigner ensuite les maladies. Le développement durable, c’est tenter de prendre les questions à la racine, le plus en amont possible. Ça marche mieux, et ça coute moins cher.

1 - Voir à ce sujet le livre de marine de Guglielmo Weber et Rémi Noyon « Le grand retournement » aux éditions Les liens qui libèrent, 2024

Edito du 23 octobre 2024

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