
Amont
Il s'agit de la bonne gestion et de la capacité d'anticipation. Vous le savez bien, l'assurance n’est chère qu'avant l'accident. Il en est de même de la prévention et de nombreuses mesures prises pour éviter des dommages ou des frais. Prenons l'exemple de l'eau potable. Celle délivrée à Munich n’est pas traitée. Elle est prélevée dans un site protégé des pollutions agricoles, un contrat ayant été passé entre la ville et les agriculteurs. Nous sommes en amont, avant même le prélèvement. Il y a un prix à payer pour compenser d'éventuelles pertes de revenus des agriculteurs, mais ce prix est bien moins élevé que ce qu'aurait coûté le traitement de l'eau en aval des prélèvements si la source n'avait pas été protégée. Une application du principe selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir, et devrait être la règle dans bien d'autres secteurs.
La santé, bien mentionnée avec le mot « guérir ». La prévention tient une place importante, avec les vaccinations notamment, mais aussi avec toutes les mesures prises pour interdire ou réglementer l'usage de substances nocives. La santé est souvent assimilée aux soins alors que l'environnement en est un facteur déterminant. La pollution de l'air est responsable de nombreuses maladies et de morts prématurées, avec un coût économique énorme,100 milliards d'euros par an, qu'il faudrait mettre en regard du coût les mesures à prendre pour améliorer la qualité de l'air.
Il faudrait y ajouter le coût des autres nuisances, comme le bruit, ou celui d'une mauvaise alimentation, source du diabète et d’obésité. Des questions à prendre en charge le plus tôt possible, dont le cout total représente bien plus que la « consommation de soin est bien médicaux », selon la nomenclature officielle qui se monte en 2022 après de 240 milliards d'euros, près de 9% du PIB.
Le problème est que la mesure prise en amont a un coût immédiat, bien identifié, alors que les bénéfices sont décalés, étalés dans le temps, et plus est difficiles à comptabiliser. Déconnexion temporelle, mais aussi entre les acteurs, ceux qui payent en amont n’étant pas toujours ceux qui bénéficient de cette anticipation. Les mesures amont sont souvent collectives payées par l'Etat ou des institutions publiques, alors que les bénéficiaires sont souvent des particuliers ou des entreprises. L’amont est dans ce cas-là financé par des prélèvements fiscaux, abondant ainsi le poids des impôts, ce qui n'est pas très populaire, même s’il nous fait faire des économies.
Ce n'est pas le seul obstacle à la promotion de l'amont. Il y a le caractère incertain du bénéfice de l'anticipation. Les promesses des mesures amont ne sont pas toujours honorées. Les événements vécus ne sont pas toujours ceux qui avaient été prévus, leurs effets peuvent se révéler moindres que ce que nous craignions. Il peut y avoir un sentiment de dépenses inutiles, d'autant qu’on ne saura jamais ce qui se serait passé si les mesures amont n'avaient pas été prises.
L’amont, c’est aussi préparer le terrain. Les transitions, les changements de modèles et d’habitudes en général, sont toujours l’objet de résistances. Même les plus mal lotis craignent de perdre le peu dont ils disposent. Il faut préparer les esprits et donner envie du changement. Prenez l’affaire des 80km/h, dont on dit qu’elle est à l’origine du mouvement des gilets jaunes. Une mesure de sécurité routière et d’économie d’énergie. Tombée du ciel sans préavis. Rejet immédiat, malgré le bien fondé de cette décision, les routes secondaires étant aujourd’hui les plus concernées par les accidents. Il y a beaucoup d’arguments pour la proposer, avec quelques aménagements éventuellement, qui ne sont arrivés qu’après coup. Les rattrapages sont rarement des réussites, et c’est pourquoi il vaut mieux faire monter tranquillement le besoin de la mesure, la rende évidente. En amont.
L’amont est aussi une affaire de mode de penser. Les études d’impact, sur l’environnement ou tout autre sujet, relèvent de cette logique de l’amont. Une démarche avant la décision, qui en permet d’appréhender tous ses effets quand il en est encore temps. Un mode de penser appliqué à un objet précis, et qui s’inscrit dans une culture de la durée. La planification en est une version plus large, qui permet de dérouler un projet dans toutes ses dimensions, de sa genèse aux conséquences de sa réalisation. Le mot « durable » accolé au mot « développement », et qui fait l’objet de nombreuses critiques, fait explicitement référence au temps, et c’est sa qualité première. Tout en amont, pour conduire des projets durables.
- Vues : 337
Ajouter un Commentaire