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Ressources, Nature et mer

Empreinte

Le 6e forum mondial de l’eau, qui s’est tenu à Marseille du 12 au 17 mars 2012, offre l’occasion de mettre le projecteur sur la mesure de nos consommations et sur leur impact, leur empreinte sur la planète.

La sécheresse inquiète les éleveurs. Ils craignent de ne pas pouvoir maintenir leur troupeau à sa dimension habituelle : nous allons manquer de viande. Il y aurait donc un lien entre l’eau qui vient du ciel et le bifteck dans notre assiette ? C'est ça qu'on appelle « l'empreinte eau » d’un produit. Il faut 15 400 l d'eau pour avoir 1 kg de viande de bœuf. C’est l’eau qu'il a fallu pour étancher la soif de l'animal tout au long de sa courte vie, mais aussi et surtout l’eau avec laquelle on a dû arroser les cultures dont il s’est nourri et la paille de sa litière.

Ajoutons l'eau pour diluer ses diverses déjections, et celle utilisée pour l'abattoir et le conditionnement de la viande jusque sur l'étal du boucher. L'empreinte eau et donc la somme de l'eau utilisée à tous les stades de la production d'un bien. On peut la calculer, comme on l'a fait pour la viande de bœuf, pour des produits alimentaires comme les légumes ou les céréales (il faut 2500 l d’eau pour produire 1 kg de riz, 600 l pour un kg de pommes de terre), ou pour un kg d’acier (600l aussi), ou pour un jean (11 000 l).

L’eau que nous consommons en direct, celle que nous buvons, celle que nous utilisons pour nous laver et pour les usages domestiques n’est donc que la partie visible de l'iceberg. L'essentiel est l’eau nécessaire pour produire ce que nous consommons. L’eau est devenue un bien rare. L'eau douce. L'agriculture en consomme d'immenses quantités. En France, l'eau utilisée pour la production de biens et services représente un volume de 90 milliards de mètres cubes par an, dont 86 % pour l'agriculture. Pour élaborer des politiques efficaces de maîtrise des consommations d'eau, il fallait une manière d'évaluer, de manière globale, les conséquences de nos choix et de nos modes de vie. D'où l'importance de l'indicateur « empreinte eau », calculé pour des produits mais aussi pour les entreprises et même pour les pays en agrégeant l’ensemble des consommations. En France, l'empreinte eau pour un quidam est 1786 m³ par an(1). Un bon tiers de cette empreinte correspond à la consommation de viande. Dans tous les pays, on calcule la manière dont l’empreinte eau se compose, ce qui donne des indications sur la manière de réaliser des Economies. Par exemple, en Suisse, l’empreinte eau est de  1500 m3, dont  81%, pour les denrées agricoles (dont 28% pour la viande), 17% pour l’industrie et 2% pour la consommation des ménages. Réduire sa consommation de viande est peut-être plus efficace que d’abandonner le bain au profit de la douche. Une différence notable est à signaler : pour la Suisse, la part de l’eau importée avec les produits est de 82%, alors qu’elle n’est « que » de 47% en France.  L’eau est inégalement répartie à la surface du globe, et n’a donc pas la même Valeur partout.  Le commerce international concerne donc la répartition de cette richesse essentielle qu’est l’eau douce,  avec des transferts massifs à la surface de la planète comme on le voit au Profit de la Suisse et, dans une moindre mesure, au profit de la France. Ce sont les aliments pour le bétail importés, par exemple, ou les légumes en provenance de territoires irrigués d’Afrique, ou encore le coton de nos chemises.

Pour l’industrie, la consommation d’eau devient un enjeu économique fort. Pour ne prendre qu’un exemple emblématique, Coca-Cola s’est trouvé en difficulté en Inde pour avoir pompé abusivement sur des nappes phréatiques. L’empreinte eau aide ainsi à comprendre les paramètres qui influencent la consommation liée à leur activité. Les grands opérateurs de l’eau, comme VEOLIA, créent des instruments analogues, pour suivre et caractériser la consommation de leurs clients. C’est le Water Impact Index, qui estime l’impact précis d’une activité sur la ressource en eau, intégrant celui d’éléments indirects, tels que l’énergie et les matières premières, les produits chimiques et les Déchets. Il évalue également les effets de la privation d’eau qu’une mauvaise gestion des réseaux d’eau potable et d’assainissement pourrait provoquer. Il peut être combiné avec des indicateurs énergétiques, pour tenir compte des interactions entre eau et énergie. Ce rapprochement a été  testé pour la première fois pour la gestion de l’eau de Milwaukee (Wisconsin, Etats-Unis). Il a mis en évidence l’intérêt de certains choix techniques pour le traitement de l’eau, avec un triple dividende à la clé : réductions significatives du coût d’exploitation, de l’empreinte carbone et de l’empreinte eau. (2). Ce sont de nouveaux outils de gestion de l’eau qui voient le Jour, dans l’esprit « empreinte », ou « coût global », intégrant l’ensemble des phénomènes physiques, biologiques et humains de l’usage de l’eau par une entreprise ou une collectivité.
Le terme d'empreinte est déjà utilisé pour évaluer la pression environnementale des hommes et de leurs activités. Il s'agit toujours d'évaluer la quantité de ressources présentes de fait dans un produit donné. On parle d'empreinte écologique, l'indicateur le plus synthétique qui fait référence à la productivité biologique de la planète. On parle aussi d'empreinte carbone, centrée sur les émissions de gaz à effet de serre. Quel que soit l'angle d'attaque, il s'agit de mettre l'accent sur une limite, limite de prélèvements dans le milieu, ou limite pour les rejets dans le milieu.

Une nouvelle économie est entrain de naître, avec ses instruments pour piloter les Politiques et favoriser les décisions les plus avantageuses à la fois pour les acteurs et pour la planète. Elle se situe dans le nouveau contexte, celui d’un monde « fini », avec des limites quant aux prélèvements possibles de ses ressources, et se substitue progressivement aux instruments fondés sur le principe d’une croissance indéfinie des prélèvements. Cette nouvelle économie n’est pas encore visible, il y a un peu de cacophonie. Il y a une réserve légitime compte-tenu du fait que, parmi les expériences en cours, certaines seront sans lendemain. Et puis, les crises mettent toujours l’accent sur les systèmes anciens, que l’on cherche en vain à rapiécer ici ou là. Mais cette nouvelle économie s’impose petit à petit, dans les profondeurs du Jeu des acteurs. Il convient aujourd’hui de lui donner plus de notoriété, de la faire partager par de plus en plus de citoyens et de consommateurs. Le cas de l’eau est à cet égard particulièrement intéressant.

 

1 Source : WWF
2 On pourra se reporter sur cet indicateur à l’article « L’empreinte eau avec le Water Impact Index, nouvel outil d’aide à la décision », de Johan CLERE et Caroline ASSO, dans la revue Mines, revue des ingénieurs, janvier février 2012 ?

 
Chronique mise en ligne le 19 mars 2012

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