Sol
Le développement durable nous conduit à faire le meilleur usage de nos ressources. Le sol est une ressource importante pour l'avenir de l'humanité, et de bien des manières.
La planète Terre est, nous le savons, plutôt maritime. La mer constitue un patrimoine extraordinaire pour l'humanité. Celle-ci y puise de nombreuses ressources, et nous n'en connaissons sans doute qu'une infime partie. Mais il n'y a pas que la mer. Il y a aussi la terre, ou plutôt le sol sur lequel nous avons construit nos villes, le sol qui nous produit des denrées de toutes sortes, le sol qui abrite une vie sauvage.
Les sols nous offrent notre habitat, le gîte et le couvert. Ils sont précieux et nous devons gérer cette richesse avec délicatesse. Cette exigence se retrouve à toutes les échelles, qu'il s'agisse de la planète entière ou de l'aménagement fin du territoire.
Nous avons aujourd'hui du mal à nourrir 7 Milliards d'êtres humains. Il faudra en faire vivre, si possible convenablement, deux de plus d'ici une quarantaine d'années. Nous pouvons compter sur le rendement de l'agriculture, pour augmenter la production, avec par exemple une révolution "doublement verte". Mais nous demandons tant de choses à la terre. Il faut qu'elle nous nourrisse, qu'elle régule le régime des eaux, produise des matériaux pour nos maisons et pour l'industrie, nous fournisse de l'énergie. Nous lui demandons aussi d'assurer une richesse biologique, de nous offrir des paysages agréables et d'accueillir nos villes, nos routes, nos aéroports. Dans ces conditions, la question de la surface disponible pour la production deviendra de plus en plus importante.
Jusqu'à présent, le modèle dominant d'exploitation a progressivement marginalisé certaines formes d'agriculture. D'immenses territoires, peu adaptés aux formes du « Progrès » se sont trouvés délaissés. Ils sont retournés à la friche et même parfois sont devenus des déserts. Cette évolution s'est accompagnée d'un appauvrissement humain, avec la disparition de communautés rurales, de leurs pratiques et de leurs traditions. On parle souvent de l'avenir de l'humanité dans les villes. Doit-on pour autant souhaiter l'abandon de civilisations rurales, et du potentiel productif dont elles étaient porteuses ? N'y a-t-il pas un vrai défi à relever pour remettre en culture, avec des méthodes adaptées, ces vastes territoires ? Cela permettrait à la fois de lutter contre la famine qui perdure dans certaines régions du monde, et d'offrir à des populations entières un revenu décent. C'est d'ailleurs le message que Bill Gates a délivré au cours du G20 de novembre dernier à Cannes : « l'agriculture pour réduire la pauvreté », pour reprendre le titre de l'interview donnée par le célèbre informaticien au journal le Monde (1).
Les sols constituent également une réponse à la question de l'effet de serre. L’humus et la matière organique qui le compose peuvent stocker des quantités importantes de carbone sous diverses diverses formes. Quatre fois celles que l'on trouve dans la biomasse végétale. Voilà un puits de carbone à cultiver avec attention. Le problème est que les techniques culturales ont souvent réduit ce potentiel, en tassant les sols sous le poids des engins, et en préférant une alimentation directe des plantes par des produits importés plutôt que par l'enrichissement de sols. Ceux-ci ont été également victimes de l'érosion, et du lessivage de matières qui se sont retrouvées dans les rivières et les étangs. La puissance du puits carbone que représente le sol est à restaurer avec des pratiques agricoles adaptées, et le choix de cultures favorables la reconstitution des sols.
Une autre manière de lutter contre l'effet de serre à partir des sols est la captation directe d'énergie. Le sol en recèle d'immenses quantités, le plus souvent diffuses mais réparties sur l'ensemble des territoires. Une manière simple de prélever cette énergie s'appelle « puits canadien », ou « puits provençal ». La température du sous-sol étant constante, il suffit de faire circuler l'air entrant dans des tuyaux souterrains pour le réchauffer l'hiver, ou le refroidir l'été. Autre technique, quand la géologie s'y prête : la géothermie profonde. Il s'agit là d'aller chercher la chaleur dans des nappes de haute température. Le Bassin parisien est un des secteurs favorables de ce point de vue, de même que plusieurs régions volcaniques dans le monde et notamment la Guadeloupe. Entre ces deux techniques extrêmes, on trouve celle des pompes à chaleur qui vont chercher des calories dans la terre à quelques mètres de profondeur. Une innovation intéressante consiste à utiliser pour cela les pieux de fondation, qui deviennent ainsi des capteurs géothermiques. D'une pierre deux coups. Un dispositif qui assure à la fois la stabilité et la solidité de fondation, et la production d'énergie pour le bâtiment supporté par lesdites fondations. Pour parler techno, nous sommes à la frontière de la géotechnique et de la géothermie.
Qu'ils soient urbains ou ruraux, les sols méritent notre attention. Conformément à une stratégie souvent décrite pour le développement durable, il va falloir courir plusieurs lièvres à la fois. La destination du sol sera souvent multiple, ce qui suppose une approche combinée, le plus souvent porteuse de plusieurs techniques. Là encore pas de performance personnelle, mais des échanges pour parvenir à cette Intelligence à plusieurs, la marque du développement durable.
1 - Daté du 2 novembre 2011
Chronique mise en ligne le 13 février 2012
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