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Gouvernance

Refus

Il arrive parfois qu’un cheval refuse l’obstacle. Trop haut, sans doute, ou trop impressionnant, et l’animal pile au pied du mur, envoyant parfois son cavalier par-dessus. Ne serait-ce pas ce qui se produit chez nous face aux efforts à consentir pour lutter contre l’effet de serre, perçu comme un mur ?

Les sondages semblent montrer une augmentation du nombre de climatosceptiques. Plus le climat se dégrade, plus le mouvement prend de l’ampleur. Sans doute parce que l’obstacle se rapproche, que chacun peut prendre la mesure de ce qu’il faut faire pout le franchir. Il est toutefois gênant d’avouer ne pas avoir envie de faire d’effort, alors qu’il est clair que nous devrons tous en faire. Refuser l’obstacle témoigne d’une sorte d’égoïsme, d’un manque d’esprit civique, d’une attitude peu solidaire. Une posture pas très confortable, vous en conviendrez. Comment faire pour l’éviter ?

Le climatoscepticisme, voilà une première solution. Et en plus, il permet de faire preuve d’une indépendance d’esprit, de se distinguer du troupeau. Tout ça, c’est pour nous faire payer, c’est du wokisme, ne vous laissez pas intimider. La résistance s’organise, autour des entrecôtes qui grillent sur le barbecue. Les épicuriens, voire les gaulois ripailleurs, contre les pisse-froid, les ascètes, les anti-progrès, et pourquoi pas les amish.

Une autre solution réside dans l’acceptation passive de notre sort. A quoi bon ? Les dés sont jetés, no future, alors pourquoi faire des efforts ? Profitons des dernières lueurs de la vie terrestre, des derniers plaisirs, de toutes façons, c’est foutu. Vous entrez alors dans une autre catégorie d’esprits forts, les réalistes qui regardent, amusés, l’agitation de ceux qui croient encore au miracle. Profitons de la musique tant que l’orchestre joue sur le pont du Titanic.

Le miracle, autre porte de sortie, en deux formules.

Les religieux, notamment les créationnistes, qui mettent l’avenir de l’humanité entre les mains de Dieu. Celui-ci ne laissera pas sa création s’effondrer, c’est une épreuve qu’il nous impose, ses desseins sont impénétrables, mais c’est pour notre bonheur, notre bien qu’il connait mieux que nous. Un groupe très répandu aux Etats-Unis, moins chez nous, en France.

Les scientistes, ceux qui attendent le miracle de la science. Ils ont pleine confiance en l’humanité, elle a traversé de nombreuses crises, elle a dompté la vie sauvage, elle va conquérir l’espace. La science va nous sortir de là, elle va ensemencer les océans ou la haute atmosphère, elle va inventer de nouvelles sources d’énergie. Pourquoi ne trouverait-elle pas de solution, puisqu’elle a toujours réussi à le faire ?

Il y a donc bien des manières de refuser l’effort, et l’addition de toutes ces catégories de climatosceptiques, susceptible de s’enrichir encore à l’approche de l’obstacle (qui a déjà été déplacé pour cause d’acceptabilité sociale) pourrait bien constituer une majorité, ou du moins une minorité active qui rendrait vains tous les efforts des autres. Que faire, pour éviter cette dérive ?

Restons chez les équidés, passons du cheval à l’âne. Un animal qui a son caractère, lui aussi. Il y a la méthode de la carotte. La promesse d’un plaisir, qui le motive et le pousse à avancer. Il faut aussi lui donner soif, car vous le savez, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Soif de nouveau, d’aventure, de découverte. L’obstacle à franchir n’est pas une fin en soi, c’est juste le passage obligé vers d’autres prairies ou l’herbe est plus verte. Ce sont ces prairies qui doivent donner envie d’affronter les épreuves, de fournir l’effort, et de sauter le mur. L’accent mis sur l’obstacle ne peut que refroidir les enthousiasmes, et ouvrir un boulevard aux climatosceptiques de tous poils. Encore plus si cet obstacle est présenté comme une pénitence, bien méritée après tous les malheurs que l’humanité a fait subir à la planète.

Donner envie, la recette est facile à évoquer. Il reste à décrire ces vertes prairies qui nous attendent, terres promises où coule le lait et le miel (deux produits animaux, vous l’aurez remarqué). Il y en a sûrement plusieurs, pour que chacun puisse choisir, mais une chose est certaine, ces prairies seront différentes de celles que nous devons abandonner. Un changement dans nos modes de vie, nos activités, nos relations à autrui. Gageons que l’obstacle sera gaillardement franchi, et par le plus grand nombre, si c’est pour accéder à un monde nouveau plein de promesses.

Ce sont le talent humain, l’ingéniosité, l’imagination, le goût de la découverte et la générosité qui seront les meilleurs atouts pour envoyer le refus aux oubliettes.

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