La ville machine
Se libérer de l’emprise technologique
Jacques Ferrier
©Editions de l’Herne, 2021
C’est un manifeste que nous propose Jacques Ferrier, l’architecte de la « ville sensuelle », pavillon de la France à l’exposition universelle de Shanghai en 2010. L’enjeu est la relation du corps à la ville. « Il faut la vouloir, la rendre possible en dépit des gadgets digitaux qui sont devenus notre seconde nature ». Une critique du progrès, qui, au lieu de servir les humains, impose progressivement ses exigences. « Il ne s’agit pas de détechniciser la ville, mais de réorienter le recrutement des techniques et leur utilisation ».
Au départ, le constat de notre enfermement. Enfermement physique, nous voici de plus en plus séparés de la nature, confinés dans les logements isolés du reste de la ville, dans un univers artificiel, qui a laissé « le grand air à la porte » au profit d’un air devenu un « produit de consommation ». Le conditionnement de l’air est le symbole même de cette séparation de la nature. La « respiration exacte » chère à Le Corbusier s’impose, l’artificiel est devenu la référence. Enfermement mental, dans une sorte de conditionnement de nos esprits, victimes d’un « envahissement numérique » et d’une soumission à la technique. « Ce que voient nos yeux et ressent notre corps est mis en concurrence avec l’intelligence artificielle des outils qui ne nous quittent pas ».
L’évolution qu’il faudrait inverser vient de loin. Citons l’invention de l’immeuble technique, en Amérique du Nord dans les années 1880, le mouvement moderne en architecture, avec Le Corbusier en vedette, le confort comme « cheval de Troie qui fait entrer la technique et ses productions au cœur le plus intime de notre quotidien », l’injonction de la vitesse, la « ville sans contact » et le GPS qui s’est substitué au sens de l’orientation.
Retrouver le contact avec la ville, la nature, le paysage, les éléments, tel est l’objectif. « Pour reprendre notre destin urbain en main, il faut se détacher du mythe du progrès et ne considérer la sphère technique que comme une formidable boîte à outils mise à notre disposition utilisée en connaissance de cause. » Aux contrats traditionnels, contrat social et contrat naturel, Jacques Ferrier propose d’ajouter un « contrat technique » pour « transformer le système technicien et utiliser son formidable potentiel à d’autres fins ». Une belle ambition.
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