
La traversée
Du temps des chenilles à celui des métamorphoses
Patrick Viveret et Julie Chabaud
©Les liens qui libèrent, 2023
Une métamorphose d’un nouveau type, puisqu’il s’agit de l’humanité. Un concept proposé par Edgar Morin dès 1967 pour décrire l’évolution un village du pays bigouden, concept qu’il a théorisé en 2010, dans une célèbre tribune publiée dans le journal Le Monde. Il part du constat que « Le système Terre est incapable de s'organiser pour traiter ses problèmes vitaux ». Il en conclut que « Le probable est la désintégration. L'improbable mais possible est la métamorphose ». Il s’agit d’un « processus à la fois d'autodestruction et d'autoconstruction », bien connu dans la nature. Une source d’espérance, face aux difficultés qui s’amoncellent sur le chemin de l’humanité, mais aussi une épreuve. Patrick Viveret et Julie Chabaud prolongent la réflexion d’Edgar Morin pour nous donner de l’espoir : « face aux cauchemars que l’on nous prédit, ce livre entend réunir les éléments d’un contre-récit positif ». La chrysalide est un chaos où « affrontent les forces du passé (de la chenille) et les forces de la vie et de l’avenir (du papillon) ». Soyons heureux et optimistes, « l’humanité serait donc une espèce en voie d’apparition », tel le papillon issu de la chrysalide. Il faut pour cela rendre le chaos créateur, et c’est l’objet du livre. Une version bien différente de la destruction créatrice de Schumpeter, car il ne s’agit pas ici d’activités économiques en perpétuelle évolution, mais d’une « réforme de la pensée » pour « se doter de niveaux équipements et de nouvelles postures furtives, créatives, coopératives et apprenantes ». Bien sûr, la chenille résiste, mais elle contient en elle des cellules imaginales, porteuse de sa forme future, et qui vont finir par s’imposer.
Les auteurs poursuivent l’analogie en décrivant la manière dont la chenille s’oppose à la métamorphose dont elle sera la victime, et quelles pourraient être les cellules imaginales de l’humanité. Le passage d’un état à un autre est délicat, il faut une stratégie pour s’engager dans la traversée, pour « utiliser le chaos ». Le mot subversion n’est pas employé, mais le concept semble bien présent avec « l’art de la furtivité » pour que les acteurs de la métamorphose passent sous les radars et évitent de se mettre en danger.
C’est un projet « anthropolitique » qui nous est proposé, dont l’objet des de remplacer la puissance dominatrice par une puissance créatrice. Un projet pour « réencastrer l’économie dans l’écologie » et qui suppose une profonde transformation des pratiques démocratiques dans la recherche de la qualité délibérative et du « convivialisme », où notamment l’ennemi devient un adversaire.
Un essai ambitieux, mais un diagnostic plus convaincant que la réponse apportée, malgré la pertinence de la métaphore de la métamorphose et la référence aux nombreuses initiatives qui préfigurent les cellules imaginales, clés du futur de l’humanité. Nous retiendrons aussi, et ça rend optimiste, que « la sagesse n’est pas une renonciation ascétique mais un art du bien vivre ».
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