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Vive le durable

Le mot « durable » ne figure plus depuis longtemps dans l'intitulé du ministère qui en est en charge. Très présent dans l'univers onusien et international, le concept même est remplacé par celui de transition. Étape importante que cette transition, que beaucoup voient comme une épreuve, qui concentre l'attention et met en évidence les efforts à consentir plutôt que les avantages espérer.

Le terme de développement durable évoque quant à lui les futurs à atteindre au-delà de la transition. Il évoque des promesses plutôt que des épreuves. Pourquoi donc l'avoir abandonné et même dénigré bien souvent au risque de déconcerter tous ceux qui avaient été séduits par l'idée d'un monde meilleur ? La qualité de vie qui devrait pourtant être un objectif consensuel de la vie publique, quelle que soit l'approche retenue, politique, économique, sociale, culturelle, etc., promesse jadis portée par le ministère de l'environnement, est supplantée par la perspective du redoutable obstacle de la transition. Comme si celle-ci était l'objectif poursuivi et non une simple étape pour aller plus loin. Mettre l'accent sur l'obstacle à franchir plutôt que sur l'intérêt de l'avoir franchi est curieux en matière de communication, et peut expliquer en partie les difficultés que rencontre aujourd'hui le mouvement écologiste. Pourquoi donc ce choix bien surprenant ?

Le mot développement a mauvaise presse. Sans doute à cause du mot sous-entendu qui l'accompagne : économique. Il existe bien des formes de développement et de croissance, comme le développement humain ou la croissance du bien-être. Mais une malédiction a enfermé ces concepts dans une approche étroite et fatale d’un développement fondé sur l'exploitation de la nature comme si c'était la seule forme de développement ou de croissance. « Quand on veut tuer son chien on dit qu'il a la rage » pourrait-on penser. Ce n'est pas parce que le développement s'est fait depuis quelques siècles sur l'exploitation des ressources naturelles qu'il est condamné à le faire éternellement. Notre objectif doit être justement d’imaginer et de « vendre » d'autres formes de croissance, plus qualitatives, fondées sur le meilleur usage des ressources dont nous disposons, le flux plutôt que le stock, au lieu de chercher des ressources toujours plus loin, plus profond, au risque de compromettre la vie sur terre.
Les antimondialistes sont bien devenus des altermondialistes, pourquoi ne pas imaginer une altercroissance où un alter-développement, ce qui donnerait du sens au slogan « un autre monde est possible ».

Le mot « durable » aussi est critiqué, en compétition notamment avec « soutenable ». Impossible de traduire la richesse du concept de développement durable avec des mots déjà existants. Ceux-ci pour ont propre signification et leur histoire, aucun mot ne sera parfait. Le mot durable a une vertu, celle de mettre en avant le temps qui passe, la durée. Résonnons, prenons nos décisions en intégrant la durée. Une révolte contre la dictature de l'immédiat qui nous conduit à des choix contre-productifs. Certains sont même pris sous couvert d’intégrer le futur, comme la fameuse règle d’or. Une règle d’or qui n’intègre pas la durée, et qui conduit à des choix économiques dans l’immédiat, pour franchir une échéance, mais couteux dans la durée. La qualité risque fort d’en être la victime, pour payer moins cher aujourd’hui, sans souci des coûts liés à l’usage et au fonctionnement qui s’étaleront des années durant. Une règle d’or qui ne tient pas compte des conséquences des décisions ne peut être durable, comme toutes celles qui n’intègrent pas le coût de la dégradation de l’environnement. Il serait trop facile de sacrifier le futur à un équilibre factice des comptes à l’instant T.

Dans un autre ordre d’idées, le vieillissement de la population est une donnée prévisible à laquelle il faut se préparer. C’est une conséquence mécanique de la stabilisation de la population mondiale. La croissance démographique nous a rendu bien des services, notamment pour la question des retraites, mais cette époque se termine progressivement, et la prise en compte de la durée nous conduit à nous y préparer. Un nouvel équilibre est à trouver dans l’organisation de la société avec une population globalement plus vieille. Certains rêvent de prolonger l’ancienne situation, mais ce ne serait que transmettre l’épreuve de la transition démographique à nos enfants, ce n’est pas très gentil, ni durable.

Développement durable, un terme souvent galvaudé, ce dont sa popularité a souffert. Faut-il pour autant l’abandonner, sachant qu’aucune expression ne sera vraiment satisfaisante ? Mieux vaut sans doute expliquer, corriger les fautes de communication, donner un sens clair à ce qu’il représente. Rendre durable le terme Développement durable !

Edito du 11 juin 2025

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