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Fais ce que voudras

edito fais ce que voudras Puisque la simplification semble être devenue la solution à tous nos problèmes, adoptons tout de suite une loi simple, un seul article, « Fais ce que voudras ». Suivons ainsi un auteur bien français, François Rabelais, dans son abbaye de Thélème, et suivons son maître mot. Notre créativité sera enfin libérée.

Une loi simple, en effet, mais dans un monde complexe. Une complexité qui en fait le charme et la richesse, et qu'il faut cultiver sans la transformer en complication. Simplifions, donc, mais sans perdre le bénéfice de la complexité et des innombrables interactions qui caractérisent nos sociétés.

Indépendamment des lois officielles, publiées dans nos codes, nous sommes parties prenantes d'un monde qui a ses propres lois, lois de la nature, de la physique, et lois de type sociétal, qui nous permettent de vivre en bonne intelligence avec nos voisins, nos partenaires, voire nos adversaires. Des règles du jeu de fait si ce n'est le droit, et qui résultent de siècles d'histoire et de culture partagées, de vie commune, confrontés aux influences du reste du monde. Ces lois de fait on produit une forme d'organisation de la société et nous aident à respecter les intérêts autre que les nôtres, ceux de la collectivité, les biens communs, c'est parfois aussi les nôtres dont nous n'aurions pas conscience et qui s'estompent bien vite derrière les exigences du présent.

Ces intérêts sont formalisés dans des lois officielles, ce qui nous permet d'en prendre la mesure et surtout de faire en sorte qu’elles s’appliquent de la même manière pour tous. La loi n'est pas l'apanage du plus fort, et elle stabilise le faisceau des contraintes issu des lois de fait.

Leur transposition en loi formalisée est délicate, souvent réductrice. Elle peut nous étouffer au lieu de nous protéger, elle nous enferme dans des modèles on vogue hier, elle freine notre évolution vers le futur. Les lois ont beaucoup de défauts et il faut sans cesse les corriger. Le mouvement de simplification il sera-t-il une forme de « liberation day » à la mode Trump ?

Le problème vient de la mise en évidence d'obligations de fait, qui ne pourront plus ainsi être négligées ou purement et simplement abandonnées. Les études d'impact sur l'environnement en sont une bonne illustration. Le principe est simple, regarder où l'on met les pieds avant de décider de le faire. Si tu le casses tu répares, selon un ancien Premier ministre. Le mieux est malgré tout de ne pas casser. Prendre conscience des impacts que peut avoir un projet avant de passer aux actes est un acte de bonne gestion, conçu pour améliorer le projet, du moins dans l'esprit de la loi. Sauf si cette phase préparatoire est perçue comme un frein artificiel, une obligation administrative, qui n'est respectée qu'à minima. Elle n'est qu'une charge au lieu d'être un moyen de consolider une opération.

Autre exemple, le débat public, pour des projets qui ont des effets potentiels sur leur environnement et donc sur la vie quotidienne, voire la santé, des populations voisines et parfois beaucoup plus. La bonne insertion dans le site, la qualité des relations avec le voisinage, l'évitement de conflits et de procédures contentieuses, sont des atouts pour le projet et mieux vaut anticiper sur la demande sociale sur les garanties à apporter que se les faire imposer par la suite. La consultation du public a longtemps été purement formelle, quelques affiches ici et là, et il fallait lui donner une bonne place, ce que la loi Barnier du 2 février 1995 a fait. Un bon débat, productif et utile pour tout le monde, ne s'improvise pas. Nous l'avons vu récemment avec le grand débat de sortie de la crise des gilets jaunes dont les produits sont restés au fond des placards. La commission nationale du débat public, CNDP, a été créée pour doter l’administration d’une expérience opérationnelle sur le montage des débats, de manière qu'ils ne tournent pas en confrontations stériles et qu'ils produisent des résultats utilisables pour perfectionner le projet. Vouloir la supprimer, il paraît que c'est dans l'air du temps, serait-ce priver d’un instrument et d'un savoir-faire uniques, et exposer les opérations envisagées à des conflits bien plus lourds et pénalisants.

Bien sûr, les lois sont perfectibles et leur amélioration doit être un objectif constant, notamment en ce qui concerne les interférences des lois entre elles. Mais les deux exemples précédents montrent que la perception d'une loi est souvent plus importante que son contenu. Le climat qui entoure les réglementations environnementales, les discours l'état d'esprit des auteurs et des milieux concernés, conditionnent en bonne part leur acceptabilité et la remise en œuvre. Le discours écologiste, fondé sur la culpabilité et la peur, Donne aux lois environnnementales un aspect répressif, accusateur, qui ne favorise pas une bonne compréhension les objectifs poursuivis. Comment croire que de nouvelles obligations seront porteuses de performances, et qu'elles seront un atout pour le développement des activités ? L'hostilité manifestée vis-à-vis de ces lois, menacées de disparition sur l'autel de la simplification, est née du sentiment que l'écologie est par nature l'ennemie de l'économie, alors que de nombreuses études nous montrent le contraire. Une redoutable incompréhension, dont l'écologie et l'économie sont toutes deux les victimes, et qui rend hélas impossible de se contenter de la loi Rabelaisienne, pourtant si simple, « Fais ce que voudras ».

Edito du 16 avril 2025

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