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L’Environnement dans son environnement

Dans mon dernier édito intitulé Retards et reculs, je dressais un triste tableau de la situation de notre environnement, malgré quelques bonnes nouvelles. Nous pouvons observer ces obstacles sur la voie du développement durable, mais nous devons surtout en comprendre les mécanismes pour savoir les surmonter ou les contourner.
Chacun a de bonnes raisons pour retarder les transformations pourtant nécessaires, voire tenter de les éviter. Reprenons les sujets évoqués précédemment. L'agriculture. L’exploitation n’est qu’une partie d'un ensemble complexe, où se trouvent les fournisseurs et les clients de l'exploitation, mais aussi les financiers, les différentes administrations, les techniciens, les consommateurs, l’Europe, et les marchés internationaux. Une position inextricable sans une vue d’ensemble de tous ces acteurs, aux intérêts divergents et parfois contradictoires. Nombreux sont les agriculteurs qui se sentent piégés. Concernant les énergies renouvelables le danger est réel d'ouvrir en grand le marché français aux importations chinoises et de compromettre ainsi l'émergence d'une filière européenne. Haro sur la déforestation importée. Bien sûr mais de nombreuses filières sont concernées, directement (exploitation forestière de bois exotiques) ou indirectement (produits cultivés sur des forêts défrichées ou transformées en plantations mono espèces). Les effets que produirait l’abandon de ces importations sur les prix à la consommation peuvent être redoutables dans notre pays, dans le contexte où le pouvoir d'achat est devenu un objet de préoccupation majeure. Quant au loup, c'est le retour d’un prédateur que nous avons mis des siècles à éliminer, et nous avons du mal à le faire accepter dans le monde « moderne » où chacun souhaite être protégé.

Ne nous faisons donc pas d'illusions il ne suffit pas de qualifier une orientation d'incontournable pour la faire accepter. La description de l'impasse où nous mène le prolongement de pratiques passées ne fait souvent qu’exacerber la rancœur de ceux qui y ont tout investi et qui craignent ainsi de se retrouver démunis et déclassés dans un nouveau système.

La difficulté est donc d'accompagner le changement, qui, lui, est inéluctable, pour en faire la chose des principaux intéressés. Faire avec le plus possible, contre le moins possible disait le paysagiste Gilles Clément. Comment faire avec ? Le 4e principe de Rio nous donne une piste : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément ». Les obstacles que nous rencontrons sont en partie la conséquence d’une approche spécialisée environnement, au lieu d’une approche intégrée. Ce n’est pas la seule cause, il y a notamment l’inertie des institutions et les résistances des intérêts de « l’ancien monde », mais l’approche pure « environnement » leur donne justement plus d’arguments.

L'observation des progrès environnementaux montre qu'ils sont le plus souvent associés à d'autres formes d'avancées. La modernisation de l'industrie a souvent permis d'incorporer des exigences environnementales et, dans le sens inverse, la réponse à un problème d'environnement a souvent eu des effets économiques favorables. L’exemple classique des cimenteries illustre le phénomène. Depuis toujours leurs environs étaient recouverts de dépôts blancs aux effets paysagers désastreux. La nécessité de les éliminer a conduit à inventer des fours plus performants. Double dividende, à la fois sur l’environnement et pour l’économie.

Une approche purement environnementale permet d'obtenir des résultats, mais ils sont fragiles s’ils ne s’inscrivent pas dans un contexte favorable. La protection d'espèces menacées a donné de bons résultats, mais ces espèces sont en général situées en haut d'une pyramide dont la base est la nature ordinaire, et nous voyons à quel point celle-ci s'est appauvrie. Combien de temps la pointe de la pyramide pourra-t-elle survivre si sa base venait à disparaître ?

La mobilisation des acteurs directement concernés est incontournable, mais l’environnement leur apparait souvent comme un frein à leur développement. Le 4e principe de Rio nous suggère de les convaincre du contraire. Pas facile dans un contexte où l’opposition entre environnement et productivité est entré dans les mentalités, mais c’est là qu’il faut porter l’effort, et montrer que cette opposition est fallacieuse et éloigne des bonnes solutions. Des instruments financiers sont aussi à imaginer, pour éviter que les intérêts du futur soient occultés par les exigences immédiates, alors que les deux horizons sont fortement corrélés. Ce n’est pas l’environnement qui coûte cher, mais le non-environnement !

 

Edito du 18 décembre 2024

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