Un timbre peut en cacher un autre.
Le débat sur les retraites occupe tous les esprits et les espaces médiatiques. Il nous éblouit, si bien que nous ne voyons pas d’autres sujets, qui pourtant nous touchent de près. Le timbre rouge est déclassé et abandonné, et le timbre gris supprimé. Tout ça parce que La Poste veut évoluer comme nous, comme dit sa publicité. Est-ce que ce ne serait pas le contraire, La Poste voudrait que nous évoluions comme elle.
Petite histoire du timbre.
Nous sommes le 1er octobre 2011, le jour de la naissance du timbre vert. Un jour faste, qui vous permet de faire 15% d’économie de carbone (selon La Poste) et 5% d’économie d’euro. Un double dividende, le développement durable est en marche, et La Poste pouvait s’en enorgueillir. Elle n’insistait pas trop, par ailleurs, sur le timbre économique, le gris, dit écopli. Eco pour économique sans doute, puisqu’aucune publicité environnementale ne l’accompagnait. 8% d’économie d’euros, mais aucune information sur l’économie de carbone. J’ai cherché partout sur le site de La Poste, je n’ai trouvé aucune indication sur ce point. Pourtant, en doublant le nombre de jours d’acheminement, jusqu’à 4, il devait bien y avoir des modes moins carbonés, mais silence radio à ce sujet. J’ai sans doute mal cherché sur le site de La Poste.
1er janvier 2023. Mort de l’écopli. Dommage, il répondait au besoin de la plupart des courriers. 4 jours, ce n’est pas bien gênant pour les envois de chèques ou de papiers administratifs, surtout que c’est la date de départ qui compte, le « cachet de la Poste » faisant foi. Nous avions donc le choix, la vitesse, carbonée, ou la lenteur, moins carbonée. L’écopli a disparu faute d’usagers, si j’ai bien compris les communiqués de La Poste. Pas étonnant, il n’était quasiment pas mis en vente. Totalement absent des machines, et jamais mis en avant dans la communication de La Poste. Nul doute qu’une bonne promotion, et une facilité d’achat, lui aurait apporté le succès commercial, mais tout se passe comme si son émetteur ne le souhaitait pas. Il fallait bien qu’il régresse, pour pouvoir l’éliminer. Quand on veut tuer son chien…
Tout ça sous couvert d’environnement. D’ailleurs le timbre rouge accompagne son frère gris. Trop polluant, sans doute, car accro à la vitesse. Une disparition avec un léger relent d’escroquerie, puisque le service rendu vendu l’année dernière avec le timbre rouge est dégradé. C’est comme si vous aviez acheté un billet de première classe, et qu’il vous était dit, avec le sourire, de ne pas vous en faire. Il est toujours valable, en seconde classe. Environnement, que ne ferions-nous pas en ton nom ! Heureusement qu’il y a les retraites pour détourner l’attention du public.
Il est vrai que la vitesse a un prix environnemental lourd, notamment côté carbone. Elle est tellement valorisée dans les sociétés dites « modernes », que l’acceptabilité des mesures propres à la réduire est bien faible. Nous l’avons vu avec les cis d’horreur provoqués par l’instauration des 80 km/h, et l’extrême prudence des partisans du 110 km/h sur autoroute. L’ombre des gilets jaunes est toujours là, qui paralyse les décideurs. La vitesse maximum des voitures qui sortent aujourd’hui des usines, bien supérieure à celles autorisées, est un autre symptôme du culte de la vitesse. Côté messagerie, ce sont les colis qui doivent être livrés le plus vite possible, 24h chrono, et la forte croissance de la vente à distance ne fait qu’accentuer la pression du « toujours plus vite ». L’immédiateté est devenue un argument de vente, porté par la publicité à la fois des vendeurs et des transporteurs, comme La Poste et ses concurrents. Immédiateté qui peut bien sûr faire plaisir, mais le plus souvent inutile, et qui dispense de tout effort d’anticipation de la part des clients. C’est la généralisation du « juste à temps » répandu chez les entreprises, pour éviter notamment à entretenir des stocks.
L’usage que La Poste a fait du lien « tarif – vitesse » peut être critiqué, mais le lien existe vraiment, et il pèse lourd en termes environnementaux. Il n’est pas illégitime de le traduire en termes financiers. De nombreux opérateurs proposent d’ailleurs plusieurs tarifs en fonction du mode de livraison. Le signal prix reste un bon instrument de prise de conscience, une incitation çà la sagesse. Mais ne basculons pas dans le green washing.
Edito du 8 février 2023
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