Dernière chance ?
Voilà donc le cadre dans lequel l’an 2022 doit s’inscrire si l’on en croit les discours dominants. L’urgence impose son calendrier, avec son aspect immédiat, la crise sanitaire, et au long cours, la lutte contre le réchauffement climatique doublé de celle contre les nombreuses extinctions d’espèces naturelles. Une année délicate, donc, avec pour notre pays des échéances fortes concernant la production d’électricité. Une année « de tous les dangers »,
Les COP de la dernière chance relativisent cette approche. Depuis celle de Copenhague, en 2009, celle de Paris en 2016, et la toute dernière à Glasgow l’an passé, et les autres entre temps, toutes ont été qualifiées de « dernière chance ». Cette répétition pourrait montrer que la dernière chance est un horizon qui s’éloigne quand on pense l’approcher, et nous incite à s’interroger sur ce concept. L’alerte est-elle une bonne politique, nous incite-t-elle à l’action ? De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour critiquer ces COP, et les traiter d’improductives. Du bla-bla. La gouvernance mondiale attendue a bien du mal à progresser. Dans les faits, ces rencontres sont aussi et surtout l’occasion de contacts multiples, les « alliances » et autres formes de convergences se forgent en marge des COP. Des rendez-vous réguliers permettent d’en faire le bilan et de les booster, ce qui n’est sans doute pas suffisant mais est bien utile quand même.
Le sentiment d’urgence ne peut être négligé, mais doit-il nous dicter notre comportement, et les politiques de transition ? L’angoisse qu’il procure est-elle le bon levier pour obtenir le changement désiré ? Il est permis d’en douter. L’alerte est ancienne, situons-la par exemple en 1962 avec la publication du Printemps silencieux de Rachel Caron, elle a été mainte fois répétée sans que les grandes tendances n’en soient affectées. Il serait bon, soixante ans après, que 2022 soit l’occasion d’une réflexion sur la politique à mener, les leviers à activer pour progresser.
Deux pistes pourraient être explorées, sachant qu’il n’y aura pas de succès sans une adhésion très large de l’opinion et des relais d’opinion aux mesures à prendre.
La première est d’ouvrir des perspectives attrayantes. Des efforts, oui, mais pas pour éviter le pire. Quand le pire sera visible, tangible, ce qui est la seule circonstance où chacun admet devoir changer de comportement, ce sera trop tard. Les efforts à consentir, et tout changement en demande, doivent permettre d’obtenir des améliorations au sort de chacun. Le « progrès » tel qu’il était conçu hier, est obsolète, il faut en trouver de nouvelles formes, donner de nouvelles envies, à rendre populaires, et qui permettront d’abandonner les anciennes, de créer une dynamique positive.
La seconde est de transformer les dangers en défis. Les premiers poussent à se protéger, à s’enfermer dans une forteresse, et conduit à une forme d’immobilisme ; les seconds stimulent la créativité et l’envie de se dépasser. Le défi n’a aucun sens en soi, il doit être au service d’une certaine vision de la société et de soi-même. Là encore, le concept de progrès revient en première ligne. Qu’est-ce que le « progrès humain » aujourd’hui, dans un monde « fini », et comment le substituer à l’approche ancienne, fondée sur l’idée que le monde est « infini ». Dès 1931, Paul Valéry nous l’avait dit « le temps du monde fini commence », il serait temps d’en tirer les conséquences. Le ferons-nous en 2022 ? Bonne année !
Edito du 5 janvier 2022
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