Accéder au contenu principal

Acceptabilité à géométrie variable

En complément aux ambitions du programme nucléaire, le président a développé un programme « énergies renouvelables » présenté comme également ambitieux. Il ne l’est pas pour toutes les ENR : l’éolien terrestre, les éoliennes dans nos campagnes, se sont vues bridées. L’objectif initial, de doublement des capacités en 10 ans, s’est nettement dégradé : ce sera sur 30 ans. Et pour les éoliennes offshore, gros programme, mais pour 2050. Des annonces qui arrivent dans un contexte morose : la France est le seul pays de l’Union Européenne à ne pas avoir respecté l’objectif de production d’énergie renouvelable fixé en 2009 et par une directive, et confirmé par la loi en 2015 : 19% au lieu de 23%.

Un vrai problème pour le climat, parce qu’il faut faire vite. La neutralité carbone en 2050 commence tout de suite, l’actuelle décennie devant être celle du virage vers le zéro carbone. Les EPR n’apporteraient de solution qu’à la fin des années 2030, bien trop tard si nous continuons entre temps sur notre lancée. Les ENR sont les seules, côté production, à permettre une baisse significative des émissions à court terme des émissions de gaz à effet de serre. Nos voisins l’ont bien compris : l’éolien a produit la moitié de l’électricité consommée au Danemark, 40% en Irlande, 27% en Allemagne et au Royaume Uni, 26% au Portugal. Le programme annoncé le 10 février dernier semble se concentrer sur l’après-demain, en négligeant le « demain matin », pourtant déterminant pour atteindre la neutralité carbone. Ajoutons les enjeux industriels liés à ces énergies. Il y a des marchés à conquérir, encore faut-il investir au bon moment sur les bonnes technologies.
Raison invoquée pour expliquer le ralentissement de l’éolien : le défaut d’acceptabilité.
Et pourtant, les sondages d’opinion montrent, au contraire, une nette faveur des Français pour les éoliennes (1). 73% en ont une bonne image, et 71% souhaitent leur développement. Serait-ce parce qu’ils ne se rendent pas compte des conséquences sur leur vie quotidienne et leur environnement ? Pas du tout. Ce serait plutôt le contraire, car les chiffres sont encore plus favorables quand on s’approche des éoliennes de moins de 10km. Ils passent respectivement à 80 et 89 %. La conclusion est claire, les éoliennes sont plébiscitées. Et cela malgré les nombreuses informations sur leurs méfaits et leur inefficacité. Des informations mensongères dans la plupart des cas, mais souvent reprises par les médias. Pour ne prendre qu’un exemple, citons la question du prix et de la compétitivité. Oui, le prix du MWh nucléaire est le moins cher aujourd’hui, de l’ordre de 50 €, les centrales étant amorties. Mais celui de demain, avec les EPR, sera au minimum du double, et même de 120 € selon de nombreux experts. A comparer avec le coût de MWh éolien terrestre dès aujourd’hui : 82€.
Résumons : très forte adhésion des Français, notamment à proximité des champs d’éoliennes, rapidité de mise en place de ces sources décarbonées, et procès en inacceptabilité. Curieux, n’est-ce pas ? Rappelons-nous l’époque de l’installation du programme nucléaire dit « Messmer ». Combien de centrales se sont construites sous la protection des CRS ? Il nétait pas question d’acceptabilité.
Aujourd’hui, un noyau d’opposants à l’éolien, terrestre, puis off-shore, puis aux centrales solaires, puis aux digesteurs de biomasse, etc, semble faire la loi. L’éolien est devenu un thème politique, idéologique, hors du champ des réalités. Un peu comme le pass sanitaire puis vaccinal, rejeté par des irréductibles, mais approuvé par une large majorité des Français. Bien sûr, il s’agit de santé publique, ce qui justifie ces mesures. Le climat ne mérite pas le même effort, manifestement.
Le passage en force n’est jamais une bonne chose, et il faut tout faire pour l’éviter. Les projets doivent faire l’objet de procédures rigoureuses, et il faudra abandonner ceux qui n’apportent pas de garanties satisfaisantes. Leur bonne implantation dans un territoire, physique, économique, et culturelle doit être recherchée avec détermination. Ils ne doivent pas pour autant devenir des otages aux mains d’activistes, dont les motivations ne sont pas toujours claires, avec pour résultat un recours prolongé aux énergies fossiles.

1 - Sondage Harris Interactive d’octobre 2021

Edito du 16 février 2022

  • Vues : 1019

Ajouter un Commentaire

Enregistrer