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Maison

Hussard

Il faut avoir de l’ambition, pour opérer la transition vers le développement durable. Et aussi des troupes, des relais sur le terrain pour faire avancer la cause, comme les hussards noirs, les instituteurs, avaient porté la jeune 3e république.

Dans la transition à opérer, le bâtiment apparait comme un enjeu central.  Lieu de vie, de travail, de loisir, le bâtiment est aussi un gros consommateur d’énergie, de matériaux, il s’insère dans les paysages, urbains ou ruraux. Avec l’alimentation, il structure notre vie. Y a-t-il des « hussards noirs » pour porter la transition dans le secteur de l’habitat et du bâtiment ?

Il y a le bâtiment neuf, qui peut atteindre les niveaux de performance élevés, pour notre confort, et la maitrise de nos consommations et de nos rejets, et il y a le parc existant, qui a donné sa physionomie à nos villes et nos villages. Ce parc doit s’adapter aux exigences de la vie moderne, et à la « finitude » du monde. Sa rénovation est un enjeu majeur de la transition, et l’objectif de 500 000 mille logements traités chaque année a été retenu. Si l’on met de côté les grands immeubles, ce seront les particuliers qui seront en première ligne, seuls ou en copropriétés. Ce seront eux les « maitres d’ouvrage » de la rénovation, et on sait qu’il n’y a pas de bon projet sans bonne maîtrise d’ouvrage, et que ce n’est pas facile d’être un bon maître d’ouvrage. Mettre de l’argent pour les aider à se décider est une bonne chose, mais ce n’est pas suffisant.

Il faut assister ces maîtres d’ouvrage occasionnels, tant au plan technique qu’au plan financier. On l’observe aujourd’hui : Les nombreux travaux commandés par des particuliers sont souvent insuffisants ou inappropriés. Des travaux décidés à la suite d’un démarchage commercial, pour les fenêtres ou les chaudières par exemple, ou à l’occasion d’autres travaux, ravalement, toiture, chauffage, etc. Une approche partielle tant sur l’élément touché par la rénovation que sur le besoin à satisfaire. Le métier de maître d’ouvrage ne s’improvise pas, surtout s’il s’agit de transformations profondes, comme celles nécessaires pour sortir de la catégorie G (ou F), celle des passoires thermiques.

Pour mener à bien une rénovation, qui ne sera pas que thermique, il faut en premier déterminer la bonne demande, celle qui correspond à ses besoins et à ses envies. Prendre du recul par rapport aux réponses toutes faites, « vues à la télévision », pour mieux comprendre son logement, son fonctionnement, la manière dont on y vit et dont y vivra demain, et formuler des souhaits cohérents. Traduire ensuite ces souhaits en cahier des charges, plus ou moins formalisé, pour rechercher des solutions compatibles avec son budget. S’assurer enfin que les travaux ont été bien faits et répondent à la commande. Pas facile pour un particulier sans expérience de maîtriser cet enchainement de phases. D’autant plus qu’il est de plus souvent conseillé par les entreprises qui font les travaux, lesquelles orientent le choix vers les solutions qu’elles maitrisent le mieux, y compris financièrement, mais qui ne sont pas forcément les plus ambitieuses. Le recours à un architecte reste exceptionnel.

Les aides techniques dont les propriétaires particuliers bénéficient sont peu disponibles. Les points info énergie de l’ADEME ne vont pas sur place et ne traitent que de l’énergie, les associations spécialisées n’ont pas les moyens d’intervenir à la bonne échelle, Qualitel propose des diagnostics pour les immeubles, mais les copropriétés sont dures à convaincre de leur intérêt. La toute récente programmation pluri annuelle de l’énergie, PPE, prévoit des diagnostics financés à 100% pour les ménages modestes propriétaires de « passoires énergétiques », diagnostics qui seront obligatoires pour louer ou vendre. Une mesure nécessaire (à condition que les diagnostiqueurs soient compétents), mais loin d’être suffisante pour assurer une bonne maîtrise d’ouvrage. Le diagnostic n’est qu’un élément du dossier, il doit être élargi à d’autres dimensions, acoustique, ventilation, confort d’été, accessibilité, etc, il doit être inscrit dans un contexte précis.

La pratique qui semble la mieux adaptée est celle que l’ANAH met en œuvre dans ses opérations groupées d’amélioration de l’habitat, OPAH. Une ingénierie de montage de projets est sollicitée, qui permet d’ouvrir un dialogue personnalisé avec chaque propriétaire. La rénovation du parc de logements des particuliers a besoin de démarche de ce type. Tous les dispositifs d’aide financière resteront en friche ou seront mal utilisés sans injection de compétence auprès des propriétaires. Ceux-ci en ont besoin, les travaux seront « sur mesure », plus satisfaisants, et les coûts seront maitrisés. Il faut imaginer une forme d’assistance à la maitrise d’ouvrage, adaptée à la variété de situations, de la maison individuelle à l’appartement, de la zone rurale à la « ZUP » en passant par le centre ancien. Une présence auprès des propriétaires pour que les aides techniques, financières soient bien utilisées dans chaque opération, pour pousser les entreprises à mettre en œuvre les meilleures pratiques, pour donner aux propriétaires occupants et/ou à leurs locataires les bons conseils pour l’usage de leur logement et sa bonne maintenance.

Il faut des « hussards noirs » de la rénovation, qui pourront valoriser le patrimoine existant, renforcer ses performances, notamment énergétiques, l’inscrire dans une évolution et un contexte territorial, et améliorer les conditions de vie des habitants.

Toute politique aussi ambitieuse que la rénovation de millions de logements en quelques années a besoin d’une « force de vente » sur le terrain, pour que l’offre de changement soit reprise, expliquée et adoptée là où elle doit l’être. La dernière Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), dont le projet a été publié le 25 janvier dernier, ne désigne pas les acteurs à mobiliser pour accompagner les mesures proposées, si judicieuses soient-elles. Une carence à pallier au plus vite ! Et on peut parier que ces hussards noirs feront faire des économies, tant aux propriétaires qu’à la puissance publique, en calibrant les opérations au juste besoin, en orientant vers les choix techniques les plus performants, et en maitrisant le prix des interventions.

 

NB : Les acccompagnateurs de la rénovation, institués en 2022,  seront-ils ces hussards noirs ?

 

 
 
 
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