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Maison

Crèche

crecheLa qualité est toujours payante. La qualité se mesure à l’aune du besoin et de la manière de la satisfaire. L’exemple des crèches est significatif à cet égard.

La petite enfance est à l’honneur. Le discours officiel l’affirme, tout se passe dès les premières années, c’est là où l’avenir se joue. Et il y a un impact immédiat en termes économiques et sociaux : La présence de crèches permet de libérer les parents et notamment les mères (nous sommes encore loin de l’égalité hommes/femmes sur ce point) qui peuvent travailler et participer à toutes sortes d’activités. La crèche est un facteur de développement économique. Mais attention : Le nombre et la proximité des crèches est une chose, leur qualité en est une autre.

Pour illustrer le propos, prenons un aspect particulier, celui du bruit. Le cri d’un jeune enfant est puissant, et peut atteindre 90 dB. C’est le niveau de bruit moyen dans un atelier de mécanique, où le personnel est tenu de se protéger les oreilles. Bien sûr, les enfants ne crient pas tout le temps, et le bruit n’est pas continu, mais il est fréquent, et les activités, les machines à laver le linge, la vaisselle, et la ventilation créent une ambiance sonore rapidement oppressante. Il n’est pas rare que les personnels des crèches, à partir d’une dizaine d’années de métier, souffrent de troubles auditifs et notamment d’acouphènes.
L’escalade des décibels n’est jamais loin. Pour se faire entendre, la tentation est forte pour les éducateurs, de hausser le ton. Le niveau sonore monte vite, chacun forçant sa voix pour émerger dans un univers bruyant. Tout le monde est perdant dans cette aventure. Les personnels, dont les conditions de travail sont pénalisantes, leurs employeurs, la commune, à cause du taux d’absentéisme important qui en résulte, et les enfants, de multiples manières.
Les enfants en souffrent sur le moment. Le bruit provoque un énervement général et la montée de l’agressivité. Les éducateurs sont moins attentifs, et l’absentéisme fait qu’ils sont moins nombreux. Les périodes de repos sont écourtées et souvent interrompues, car les enfants mettent plus de temps à s’endormir et leur sommeil est agité. Le premier que se réveille réveille les autres. Quand ils ne dorment pas, leurs facultés d’apprentissage sont affectées par le bruit. De quelques mois à 3 ans, le cerveau se forme, c’est la période d’apprentissage du langage. C’est une étape importante dans l’évolution, notamment pour la capacité à discriminer des sons. Le brouhaha général est l’ennemi de cet apprentissage, dont les effets se feront sentir toute la vie. Reconnaître les sons, leur donner un sens, les reproduire, tout cela semble simple une fois cette étape franchie, mais elle est exigeante pour le jeune enfant, et mieux vaut ne pas ajouter trop d’obstacles au bon déroulement de cette phase déterminante pour l’avenir. Ajoutons que l’enfant s’habitue au bruit, et en arrive parfois à ne plus supporter le silence. Ses facultés de concentration en sont victimes, et son comportement dans les écoles qui suivront la crèche, maternelle, primaire, etc. risque fort de ne pas être exemplaire.
Les parents sont également victimes des crèches trop bruyantes. Ils sont eux-mêmes fatigués à l’issue d’une journée de travail, et ils retrouvent le soir des enfants fatigués physiquement et nerveusement. Des enfants qui vont pleurer à la moindre contradiction, et accentuer la tension à la maison. S’ajoute alors le bruit ambiant de la télévision, de l’environnement en général, et l’endormissement de l’enfant devient problématique, avec un manque de sommeil qui s’annonce. Tableau bien exagéré me direz-vous, mais hélas assez courant, avec l’éternelle composante sociale, selon la qualité et la taille du logement.
Le bruit à la crèche est donc un facteur de troubles variés, et les victimes sont nombreuses. L’acoustique dans les crèches ne fait pourtant l’objet d’aucune réglementation, juste des recommandations et des guides de bonnes pratiques. Au moment où l’argent est rare, et où les comptes publics doivent impérativement être équilibrés, le risque est grand que les dépenses nécessaires pour réduire le bruit soient reportées à plus tard. Le coût des dégâts décrits ci-dessus n’est pas évalué, et encore moins reporté dans les comptes de la collectivité. Des coûts diffus et cachés, supportés par la société dans son ensemble, et certainement bien supérieurs au montant des travaux et aménagements propres à limiter le niveau sonore. Certaines actions sont gratuites, il s’agit d’une sensibilisation des principaux acteurs, les personnels des crèches. Il faut y ajouter des petites interventions, à financer sur les budgets courants de fonctionnement : des feutrines pour éviter des bruits de choc quand on ferme les tiroirs, par exemple. Pas grand-chose, mais de multiples arrangements que le personnel pourra trouver lui-même. Parfois, il faut des travaux plus importants, comme la pose d’éléments absorbants, qui demandent une compétence particulière. C’est aussi l’organisation des lieux qui est à examiner. La disposition des salles de repos et de celles dédiées aux activités n’est pas indifférente. C’est parfois dans la conception et la structure du bâtiment que se trouve la réponse à la question de l’ambiance sonore. L’exigence doit être prise en compte dans la conception et la réalisation des nouvelles crèches, mais elle n’est pas toujours facile à respecter pour les autres.
Récapitulons : Une bonne ambiance sonore dans les crèches, c’est un gain pour les enfants, immédiatement et pour leur avenir, un gain pour les personnels des crèches, un gain pour la collectivité, un gain pour les parents. Traduire tous ces gains en argent est évidemment impossible, mais ce serait une grave erreur de ne pas en tenir compte. D’autant que la qualité acoustique ne coûte presque rien si elle est intégrée dès la conception de la crèche, et que beaucoup d’améliorations à bas coût sont possible la plupart du temps. Il faut juste y penser !
On retrouve dans cette affaire de crèches une constante du développement durable. La qualité est aussi importante que la quantité, et parfois plus. Elle ne se mesure pas facilement, et n’entre pas dans les comptes, si bien qu’elle est souvent négligée, alors que le succès en dépend. Ajoutons qu’elle est économique et que le coût de la non-qualité est lourd. Ça coûte cher d’être pauvre, c’est bien connu.

 

Merci à Valérie Rozec de ses lumières sur les crèches

 

 

 

 

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