Impôt
Réduire les impôts, tout le monde en rêve, mais cela n'a pas de sens sans en voir la contrepartie. Ce sont des services rendus, et une efficacité d'ensemble du système économique.
Au delà de l'impôt, ce sont tous les prélèvements obligatoires qui sont un objet courant de débat.
Les prélèvements sur les actifs vont augmenter. C’est la conclusion logique de la baisse de la quantité de Travail incorporé dans chaque unité de bien ou de service produite en moyenne. En effet il faut bien que la production rencontre une consommation, et donc un Pouvoir d’Achat. La redistribution, qui représente aujourd’hui en France un tiers des revenus, est en ce sens un instrument économique autant qu’une oeuvre sociale. Pour dire les choses simplement, les retraites ne sont pas qu’une récompense bien méritée obtenue à l’issue d’une quarantaine d’années de labeur, mais une opération financière destinée à répartir du pouvoir d’achat, de la capacité à consommer. Il ne faut pas être obnubilé par le niveau de prélèvement, qui fait l’objet du débat principal, et on comprend aisément pourquoi. C’est l’efficacité du système économique qui doit être recherchée. Ce qui compte n’est pas le niveau du prélèvement, mais ce qui reste après prélèvement, pour le particulier comme pour l’entreprise. Ce sont des indicateurs de l’efficacité économique dans son ensemble qu’il faut suivre, et non pas des indicateurs partiels incapables de rendre compte du fonctionnement d’ensemble de la société, du « Bonheur national brut » comme disait Bertrand de Jouvenel.
La question des prélèvements ne doit pas être négligée, mais il ne faut pas lui donner la première place. Son effet psychologique est bien sûr très fort. Faut-il encore l’accentuer ? Ne vaut-il pas mieux le relativiser ? Mettons en regard les services rendus dont chacun bénéficie, qu’il faut alors savoir évaluer avec rigueur. Ajoutons la prise en charge par la collectivité d’une solidarité qui s’effectuait encore récemment au sein de chaque famille, dans des conditions parfois déplorables. De combien étaient les prélèvements de fait sur les revenus des actifs, quand ils devaient assurer en direct le gîte et le couvert de leurs parents âgés, l'entretien et l'éducation de leurs enfants, et leurs dépenses de Santé ? Ces prélèvements ne passaient pas par des organismes spécialisés, et ils n'apparaissaient pas « obligatoires ». Ils n'en pesaient pas moins sur l'économie des ménages, et les équilibres sociaux. La réponse à la question des prélèvements réside plus dans la garantie d’un bon usage de l’argent collecté, un contrôle plus rapproché et une organisation des pouvoirs publics en conséquence. C’est aussi une possibilité de prélèvements de natures différentes, comme du Temps consacré à des oeuvres d’Intérêt général, un « service civique », ou une autre répartition du temps de travail accompagné des transferts de revenus correspondants. Plutôt que de payer des impôts, certains préféreront se faire prélever du temps de travail… La question des prélèvements mérite un débat plus sérieux que de simples enchères à la baisse.
Notre société est encore organisée sur l’idée que la valeur ajoutée vient majoritairement du travail. Le salaire est ainsi la base de Calcul de nombreux prélèvements, alors que c’est l’accumulation de connaissance et de technique qui est aujourd’hui la vraie source de Richesse. La mobilité de ces facteurs de production, leur fluidité géographique, accentue la pression sur le travail, le simple mot de « délocalisation » provoquant des réactions légitimes de protestations. Si l'emploi est fixe, il ne peut guère échapper au pouvoir des états, contrairement aux capitaux de toutes natures. Taxer le savoir et la technologique, c'est également freiner le Progrès, en s'attaquant aux secteurs à haute valeur ajoutée. L'hypothèse émise en 2006 par Jacques Chirac, alors président de la République, d'un transfert sur la valeur ajoutée des prélèvements perçus aujourd'hui sur les salaires a relancé ce débat et mis en valeur des Lignes de clivage. Il agite encore le monde politique. Quelle que soit la solution, chacun peut comprendre aujourd'hui qu'il faut considérer les prélèvements non pas comme une simple charge, mais comme une contribution à la recherche de l'efficacité économique dont chacun bénéficiera, et qui seule permet une politique sociale. C'est le rendement global du système qui compte, dans un monde nouveau, avec une vision intégrée des volets économiques, sociaux, et environnementaux. Les prélèvements constituent un des instruments de cette efficacité d'ensemble, et non un objet isolé forcément désagréable.
Chronique mise en ligne le 3 mai 2006,revue le 11 octobre 2010
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