Contribution
Notre système de retraites est conçu sur une base contributive, nous dit-on. Quelle meilleure contribution que l'impôt, calculé en fonction de la capacité contributive de chacun ?
Contribution. Un mot aux multiples connotations, ce qui en fait la Richesse.
Il est souvent cité dans le débat actuel sur les retraites, partons de là.
La retraite est conçue sur une base contributive. La fameuse répartition s’opère entre contributeurs, à savoir les cotisants, les « actifs » paient la retraite des «inactifs ». La formule se révèle inadaptée et injuste.
Injuste, et le débat sur les mères qui se sont arrêté de travailler pour élever leurs enfants en est le Symptôme le plus visible. Ces femmes ont créé de la valeur, l’éducation des enfants a une grande valeur, mais elle n’est pas reconnue. Elle n’est pas entrée dans les comptes, elle ne donne pas de « points ». On peut prolonger le raisonnement. Le mode de calcul prolonge les inégalités, au lieu de les corriger. La contribution calculée sur les salaires désavantage les personnes déjà victimes d’inégalités. La différence de salaire homme/femme, à responsabilités égales, est un fait. Cette malédiction, tant qu’elle n’est pas levée, doit-elle se prolonger à la retraite ?
Il y a aussi les artisans. Chefs d’entreprise, ils cotisent dans leurs systèmes spécifiques. Leur retraite, qui semble aussi légitime que celle de salariés, de leurs salariés notamment, est souvent d’une rare modestie. Il en est qui trouvent, avec la vente de leur fond, un capital qui vaut une bonne retraite, mais beaucoup, après une vie de Travail où l’on ne compte pas les heures, ne disposent que d’une faible pension, avec les tentations de travail au noir que tout le monde connait. Idem pour les agriculteurs, avec leur dérive propre, pour ceux qui sont propriétaires de leurs terres : en faire des terrains à bâtir, pour arrondir leur capital, l’étalement urbain n’est pas leur problème.
On l’aura compris, la contribution limitée au travail est source d’injustices et de dérives. Quand on voit la courbe, fortement croissante, du nombre de retraités qui seront à la charge de chaque actif dans les années à venir, on se dit aussi que ce n’est pas possible, ça ne peut pas tenir. On peut retarder le phénomène en repoussant l’âge de départ à la retraite, mais l’exercice a des Limites vite atteintes. Il va falloir revoir le système en profondeur. Un simple jeu sur quelques curseurs, comme l’âge de départ, ne résout rien durablement.
La question se pose alors : pourquoi limiter la contribution au seul travail ? La création de valeur, dans la société, est multiforme. Elle se forge dans l’entreprise, grâce au travail et au capital qui n’est souvent que du travail accumulé. Elle se constitue aussi dans la vie familiale et sociale, sans décompte. Elle se constitue à l’école bien au-delà de la valeur comptable déduite des salaires des équipes d’enseignants et de l’intendance desdites écoles. Elle se forge dans les associations, les mairies où l’inventivité et la disponibilité sont sans limites. Bref, tout le monde contribue, et le mot est bien choisi, à la création de la richesse d’un pays, laquelle ne se mesure pas qu’avec le PIB.
Le mot contributif, évoqué pour réserver les cotisations retraites aux seuls travailleurs, est aussi utilisé pour les Impôts. Les contributions directes et indirectes, l’expression est claire : chacun contribue dans la mesure de ses capacités contributives. C’est la loi de la République. Malgré cela, on nous dit qu’un financement fiscal des retraites serait une révolution. Ce serait la fin de la retraite par répartition, ai-je entendu dire un homme politique à la télévision. Vision bien étroite, déjà largement entachée par la CSG et la CRDS. Le développement durable conduit justement à prendre du recul par rapport à ce que certains prennent pour des évidences, alors qu’il s’agit plutôt de tabous. On s’est donné un cadre qui nous enferme et nous empêche de regarder un peu plus loin, pour voir si des solutions originales peuvent être trouvées. Et puis ne soyons pas piégé par les mots : les cotisations sociales sont bien une forme d’impôt sur le travail. La marge de responsabilité des salariés est bien faible, dans un marché de l’emploi déprimé, en particulier avec les difficultés que l’on connait pour trouver son premier job.
Les cotisations sociales sont une forme de fiscalité particulière : la fiscalité affectée. La recette est orientée vers une dépense. Ce dispositif peut marcher quand il y a une relation directe entre la dépense publique et la cotisation. Si je consomme plus d’eau, je paye plus de taxes pour la gestion des eaux que si j’en utilise très peu. C’est normal. Mais quand la relation est distendue, la fiscalité affectée apporte des rigidités et souvent des injustices. Les parents d’enfants qui font des études longues doivent-ils payer plus d’impôts que ceux d’enfants qui entrent très jeunes sur le marché du travail ?
La vraie répartition est bien celle des contributions perçues à la mesure des capacités de chacun. Ouvrons le champ de la réflexion, et des marges de manœuvre nouvelles apparaissent. C’est comme la santé. On ne parle que des dépenses, jamais de la valeur que représente une population en bonne santé ! La question des retraites s’inscrit dans la vision très générale de la transition démographique que nous vivons, vers des sociétés plus âgées qui doivent trouver un nouvel équilibre. Et les cotisations retraites doivent s’inscrire dans une politique générale de prélèvements obligatoires, les impôts pour parler clair, avec leur fonction bien connue de redistribution. Une vision générale, rien de tel pour chercher des solutions particulières. C’est le « penser global, agir local » qui trouve une autre déclinaison.
Chronique mise en ligne le 11 octobre 2010
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