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Refleurir un monde trop plein

Jean Hladik
Les éditions du Panthéon, 2021


Un livre écrit par un physicien et professeur, et qui témoigne des vertus de ces deux qualités. Il offre une bonne synthèse de l’état des lieux sur le climat, et sur l’état des techniques et des solutions disponibles pour relever le défi. Dommage que le discours soit pollué par ce qui se révèle comme une obsession, la surpopulation mondiale. Evidemment, la question démographique est pertinente, et elle est sans doute insuffisamment évoquée, mais elle est ici traitée avec trop de passion pour conserver le caractère scientifique dont l’auteur fait preuve dans d’autres domaines.


L’ouvrage est composé de deux parties, la première sur « un monde trop plein », la seconde étant consacrée à la manière de « refleurir la terre aux couleurs d’espérance ».
L’auteur se fonde sur le lien entre la croissance de la population mondiale et celle des émissions de gaz à effet de serre. La simple comparaison des taux de croissance du PIB et de la population chinoise, par exemple, montre que ce n’est pas si simple. Une population stable peut consommer plus et autrement, et produire plus de gaz à effet de serre. Le mode de vie est un paramètre déterminant. La naissance d’un nigérian et celle d’un californien n’ont pas la même signification en termes de climat. L’auteur cite abondamment Malthus, mais il oublie un aspect de son message, selon lequel les riches, qui pouvaient prendre en charge leurs enfants dans de bonnes conditions, étaient autorisés à en faire autant qu’ils le voulaient, contrairement aux pauvres qui devaient s’en abstenir. Transposez cette vision aux rapports Nord-Sud, et vous comprendrez pourquoi de nombreux pays du Sud se sont montrés réticents aux efforts de planning familial, perçu comme un avatar du colonialisme. Nous sommes bien d’accord sur la nécessité d’aller vers un « inévitable état stationnaire démographique », mais le chemin qui y conduit est semé d’embûches, et l’urgence ne doit pas conduire à les sous-estimer. La question du vieillissement, en particulier, conséquence mathématique de la stabilisation de la population, est bien évoquée (1), mais les problèmes qu’elle pose sont décrits trop partiellement et les solutions proposées ne sont guère convaincantes. La répartition de la population dans le monde est un autre point faible de la démonstration. L’auteur dénonce à juste titre la dégradation des sols, qui entraîne une perte de ressources alimentaires, sans évoquer en complément la question de l’exode vers les grandes métropoles, ni les programmes onusiens de restauration des sols, avec leur composante démographique. Malgré ces défauts, l’auteur a raison de mettre le projecteur sur la surpopulation, thème souvent négligé, voire occulté, par les écologistes.
Pour décrire le dérèglement climatique, Jean Hladik choisit une analogie avec l’enfer de Dante : « L’humanité est, encore pour peu de temps, devant les portes de l’enfer climatique avant de s’y précipiter dedans pour de longs siècle ». Face à l’aggravation des catastrophes qu’il nous décrit en détail, il propose de « refleurir la terre en couleur d’espérance ». Cinq objectifs sont à atteindre pour y parvenir, au premier rang desquels figure, vous l’aurez deviné, la diminution de la population mondiale, suivi de celle « des produits et activités qui ne sont pas de première nécessité ». Le confinement nous a déjà entraîné sur cette voie, dont l’acceptabilité sociale semble bien fragile. L’appel aux « contraintes volontaires » sera-t-il suffisant ? Le troisième objectif est « une diminution drastique des émissions anthropiques de gaz à effet de serre », avec une mention particulière sur le financement des énergies fossiles, qui bénéficient encore de nombreuses subventions. Les objectifs onusiens du développement durable se retrouvent ensuite dans les deux dernières préconisations, « éradication de la sous-alimentation et des famines », et « préservation de l’environnement et de la biodiversité ». De bonnes intentions, largement partagées, mais les recettes pour les réaliser font encore défaut.
Un livre ambigu, au ton volontiers polémique, riche en informations bien utiles, mais peu convaincant sur les solutions, qui oscillent entre mesures autoritaires et bonne volonté.

1 On pourra sur ce point se reporter à mon article paru dans le journal Le Monde en juillet 1978

 

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