Une histoire des luttes pour l’environnement
Anne-Claude Ambroise-Rendu, Steve Hagimont, Charles-François Mathis, Alexis Vrignon
©Les éditions Textuel, 2021
Les vieux écolos sont parfois agacés devant une absence de culture environnementale des nouveaux militants. Beaucoup d’entre eux ignorent l’histoire d’un mouvement multiforme, avec des succès et des échecs, dont il serait bon de tirer les enseignements. La publication de ce livre rendra cette carence inexcusable.
Une histoire marquée par la diversité des situations, des acteurs, des moyens utilisés, et par des évènements majeurs. La présentation suit le cours des années, divisé en quatre périodes, mais nous retiendrons les nombreuses portes d’entrée dans cette histoire tumultueuse.
Tantôt, il s’agit des acteurs, des personnalités qui ont posé les jalons, à commencer par Buffon, qui « se réjouit en 1778 que la face entière de la terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme », et nous renvoie ainsi au concept d’anthropocène né en 2000. « La boucle est bouclée ». Nous rencontrons ainsi Gilbert White et son approche sensible, et Alexander Von Humbolt qui pose les prémisses de l’écologie scientifique, laquelle ne sera vraiment reconnue qu’en 1890, après que Ernst Haeckel, disciple de Charles Darwin, n’ai définit le mot « écologie ». Les personnalités ce sont aussi Svante Arrhenius qui découvre l’influence humaine sur l’effet de serre au tout début du 20e siècle. Plus tard, voici Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, représentant le « personnalisme gascon », et leur critique de la société industrielle, puis Ivan Illich, Chico Mendès, le chef Roani, Petra Kelly, et Daniel Cohn Bendit, qui ont contribué à des luttes pour l’environnement, lancé des idées nouvelles, ou encore ont jeté les bases d’une écologie politique.
Ce sont aussi des évènements qui ont provoqué des réactions ou des prises de conscience. Citons les problèmes chroniques, comme les pluies acides, combattues dès le milieu du XIXe siècle, l’amiante, dont les effets nocifs sont observés dès 1906 par un inspecteur du travail en Normandie, les nuisances industrielles, comme le déversement de mercure dans la baie de Minamata au Japon, dans les années 1950-70 ou l’accumulation de déchets toxiques dans la décharge de Montchanin dans les années 1980. Et puis il y a les catastrophes telles que les marées noires, les accidents nucléaires de Three Mile Island et de Tchernobyl, ou encore le drame de Bophal en Inde (1984).
L’histoire s’écrit aussi dans des luttes, contre les autoroutes urbaines à Boston dans les années 1960 et à Paris 10 ans lus tard, pour la protection des calanques à Cassis en 1910, le parc national de la Vanoise en 1969-71, ou encore le Larzac en 1973-74. Ce sont les manifestations anti-nucléaires, Creys-Malville (1976-77), Fessenheim (1977-81), Plogoff (1978-91). Ce sont des mouvements contre (la maltraitance des animaux, à Londres dès 1824, l’envahissement par le plastique dès les années 1970) ou pour (l’agroécologie et l’alimentation saine, la protection de rivières comme le Danube en 1984, les jardins alimentaires en ville à New York en 1973, précurseurs des « incredile edibles » qui naîtront en Angleterre en 2008.
Le mouvement social accompagne cette histoire, avec la création d’associations ou de courants de pensée. La ligue pour la protection des oiseaux, LPO, née en 1912, l’Union internationale pour la conservation de la nature UICN, en 1948, les Amis de la Terre (1970 aux Etats-Unis, un an plus tard en France), Greenpeace (1970) et le rassemblement des opposants à la chasse (ROC) en 1975, pour ne prendre que quelques exemples, et les mouvements créés à partir de concepts tels que l’écoféminisme (1979), l’écologie profonde, deep ecology (1972) ou la défense des animaux et le spécisme (1975).
Certains livres ou films ont aussi jalonné l’histoire du mouvement, qu’ils alertent l’opinion sur un registre sensible ou scientifique. Citons Ravage (René Barjavel, 1943), Le printemps silencieux (Rachel Carson, 1962), Halte à la croissance (rapport Meadows,1972), ou le mensuel devenu hebdomadaire La gueule ouverte (1972). Sur le grand écran, voici Le syndrome Chinois (1979) et Mad Max (1982), et sur le petit des émissions comme La France défigurée (1971-78).
Une des vertus de l’ouvrage est de mêler toutes ces approches, et de mettre ainsi en évidence les interactions entre ces différents éléments, y compris l’évocation de quelques dissonances comme les ouvrages de Luc Ferry (1992) et l’influence des « semeurs de doute » à la solde de grands pollueurs ou d’intérêts menacés par une politique volontariste de l’environnement.
Cette sélection d’éléments n’est évidemment pas exhaustive, beaucoup d’autres acteurs ou évènements auraient pu être mentionnés, mais vous trouverez dans ce livre une fresque significative de cette histoire riche et diversifiée, magnifiquement illustrée de documents d’époque qui vous séduiront et, pour certains, rappelleront des souvenirs.
Un clin d’œil pour conclure, avec un personnage haut en couleurs que l’on rencontrait surtout dans le quartier latin à Paris dans les années 1970 : Aguigui Mouna, que l’on voit montrant un panneau où il est écrit : « Il n’y a pas de planète de rechange », slogan toujours brandi en 2021 !
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