Le climat qui cache la forêt
Comment la question climatique occulte les problèmes d’environnement
Guillaume Sainteny, Rue de l’échiquier, octobre 2015
C’est une double dénonciation à laquelle Guillaume Sainteny se livre dans cet ouvrage.
La première est celle exprimée par le sous-titre, la prééminence de la politique du climat sur les autres politiques d’environnement. Sans minimiser l’importance du dérèglement climatique, Guillaume Sainteny montre que bien d’autres enjeux d’environnement méritent toute notre attention. Sont ainsi « occultés » par le climat des enjeux majeurs tels que la pollution de l’air, l’érosion de la biodiversité et la dégradation des sols. Il en résulte un déséquilibre entre les moyens mis en œuvre au titre de l’environnement, d’autant plus curieux que notre pays est déjà un « bon élève » dans le domaine du climat, alors qu’il a beaucoup à faire pour remonter la pente sur les autres aspects. On retrouve ainsi une orientation récurrente de ce blog, qui dénonce fréquemment les approches monocritères, lesquelles se pratiquent souvent au détriment d’autres aspects, et ne permettent pas de rechercher des « doubles dividendes ». Guillaume Sainteny va plus loin, en contestant la priorité donnée au climat qui entraîne « une inversion discutable de la hiérarchisation des politiques environnementales ».
Il ajoute que « la plupart, voire la totalité des politiques de lutte contre le changement climatique entraînent des inconvénients d’ordre environnemental plus ou moins importants ». Il évoque, à l’appui de cette affirmation, les atteintes au paysage, à l’esprit même de la loi « littoral », et la négligence dont la pollution atmosphérique fait l’objet. Il détaille « les mesures cumulant bilan carbone médiocre et impacts environnementaux », telles que les modalités de soutien aux ENR et le développement du transport ferroviaire avec la création de nouvelles lignes « qui entraînent des impacts durables sur le paysage et constituent des barrières difficilement franchissables pour une partie de la faune ».
La seconde dénonciation concerne la politique du climat telle qu’elle est menée, indépendamment des autres politiques d’environnement. C’est un réquisitoire qui est dressé, avec deux axes particulièrement développés, la priorité donnée à l’atténuation sur l’adaptation au changement climatique, et celle accordée au développement des énergies renouvelables par rapport à la recherche de l’efficacité énergétique. Un réquisitoire sévère, et évidemment polémique, qui nuit de ce fait à la première dénonciation. Certes, la France présente un bilan plutôt favorable pour la maitrise des émissions de gaz à effet de serre, mais il s’agit en partie d’un leurre, que Guillaume Sainteny signale d’ailleurs, puisque les émissions dont les français sont responsables du fait de leurs consommations, intégrant les importations, n’ont cessé de croître. Il y a donc un effort à faire pour « inverser la courbe », selon l’expression consacrée dans un autre domaine. Et au-delà des maladresses dans le soutien aux énergies renouvelables, sur lesquelles il est facile de tomber d’accord, reconnaissons qu’il faudra toujours produire de l’énergie, même avec une politique active d’efficacité. Les incertitudes qui pèsent sur le nucléaire, à l’approche de la fin de vie des centrales, conduisent nécessairement à rechercher à promouvoir dès maintenant les énergies renouvelables, tout en étant d’accord avec l’auteur sur la priorité à donner aux économies d’énergie, premier gisement à exploiter.
Le mérite essentiel de l’ouvrage est donc de rompre avec la confusion qui se développe entre « lutte contre l’effet de serre » et l’environnement. La première n’est qu’une partie du second, et son « impérialisme » doit être vigoureusement dénoncé. Il n’y a pas que le climat dans la vie ! Guillaume Sainteny aurait pu ajouter que ce n’est pas l’intérêt du climat d’être traité isolément. Le dérèglement climatique est un phénomène complexe et difficile à appréhender, et la mobilisation reste faible en France. Son rapprochement de thèmes plus populaires et immédiatement perceptibles, comme la pollution de l’air et le bruit, permettrait de l’intégrer dans un mouvement plus large. La rénovation les logements uniquement pour lutter contre l’effet de serre ne marche pas fort, mais elle aurait beaucoup plus de succès si elle couvrait tous les aspects de santé et de confort chez soi, avec notamment les questions de bruit et de qualité de l’air intérieur. Vive les approches transversales !
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