
La fin d’une époque
Tout arrive à la fois, ou du moins tout se révèle à la fois.
Le monde est en train de changer profondément. Il y a la géopolitique qui fait beaucoup parler d’elle, il y a le climat et la biodiversité, qui approchent de zones de non-retour, il y a le vieillissement de la population, thème à la mode depuis quelques temps, il y a l’intelligence artificielle, qui bouleverse nos modes de travail, il y a les mouvements de population qui provoquent des chocs de culture, il y a les modes d’information et de communication, transformés par les réseaux sociaux, et bien d’autres choses encore. Beaucoup de changements qui nous tombent dessus, qu’il nous faut digérer mais contre lesquels nous avons une tendance à résister. C’était mieux avant !
Nous aurons du mal à nous adapter, et d’autres saurons le faire avant nous, si nous ne prenons pas la mesure de cette transformation à l’œuvre sous nos yeux. Nos références, nos repères culturels, sont mis à mal. Le décalage entre le mode de penser dont nous avons hérité, et qui guide encore nos comportements, et les nouvelles règles du jeu qui se mettent en place provoque une forme de désarroi, et brise de nombreux consensus tacites. Les mots n’ont plus le même sens pour tout le monde, la cohésion sociale et le « vivre ensemble » semblent bien compromis. C’est la décivilisation, comme le disent certains.
Le réflexe de beaucoup consiste à rechercher comment revenir au bon vieux temps, celui où la France était dominante avec son empire colonial, sa langue et sa pensée universelle, modernisée avec la possession de l’arme nucléaire et son siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. Vaine recherche, qui détourne notre énergie des efforts qu’il nous faut faire pour entrer en bonne place dans le nouveau monde. Nous y entrons en regardant dans le rétroviseur, au lieu de mobiliser nos atouts pour participer activement à l’advenue du nouveau monde. Avec 1% de la population mondiale, il nous faut trouver les domaines où nous pouvons tenir un rôle particulier dans le monde, et qui nous y donnent une place à part.
Une manière de faire est d’inventer les nouvelles formes de vie sociale dans ce monde encore à imaginer. Un monde qui connait ses limites et les accepte, au lieu de vouloir toujours aller plus loin et « conquérir » l’espace, exploiter les océans avant même de les avoir explorés, et un monde dont la population va vieillir inéluctablement.
Nous avons déjà quelques grandes lignes de l’évolution à piloter. Faire avec la nature, notamment, au lieu de la dominer ; orienter nos économies sur l’humain et les consommations immatérielles, comme l’éducation, l’alimentation, la culture, le sport ; valoriser autant qu’il est possible les ressources procurées par la planète, au lieu d’en chercher toujours de nouvelles au risque d’épuiser les réserves et de saturer le milieu avec nos déchets de toutes natures, du gaz carbonique aux plastiques. Nous devons aussi aborder la santé par la qualité de l’environnement autant que par celle des soins, remettre en débat la place du travail dans nos sociétés, sa fonction sociale et la manière dont il contribue à notre qualité de vie. Le vieillissement nous conduit à revoir les organisations de notre société, la place des vieux comme ressource et non pas uniquement comme des charges, comment les faire participer le plus possible à la vie commune, et comment bénéficier de leurs apports. Et puis bien sûr moderniser la démocratie, permettre à chacun de se sentir partie prenante de sa société.
Nos cadres de penser anciens ont produit des cloisonnements mentaux qui nous empêchent d’imaginer de nouvelles formes de vie sociale, de production et de consommation. Soyons les premiers à imaginer ces réponses aux nouveaux défis que le monde devra relever au cours de ce siècle. C’est la meilleure manière de se prémunir du déclassement et du déclin que certains nous prédisent, et de continuer à exercer une influence sur le monde. A l’inverse, ériger des murs et s’enfermer dans la nostalgie de notre splendeur passée ne peut conduire qu’à se faire bousculer et à créer une dépendance accrue à d’autres pays qui nous imposeront leurs valeurs. C’est cette recherche de solutions originales aux problèmes auxquels nous sommes confrontés qui s’appelle développement durable. En ces temps d’incertitude et de vide politique, voilà un programme mobilisateur, pour mettre l’esprit d’entreprise au service de notre qualité de vie et de la prospérité de la planète.
Edito du 4 décembre 2024
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