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Mobiliser tous les acteurs de la chaîne de valeur

Bonne nouvelle, l’agriculture sans pesticides est possible, en 2050 en Europe. C’est notre célèbre institut national d’agronomie, l’INRAE, qui l’affirme dans une étude prospective  rendue publique le 21 mars dernier, sans doute pour célébrer le printemps. Ce n’est pas le premier institut à le dire. L’institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) l’avait fait en 2018, en présentant une trajectoire pour une agriculture qui réponde à nos besoins alimentaires, préserve une capacité d’exportation, permette d’abandonner l’importations de 40 millions de tonnes de protéines végétales, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole de 40 % par rapport à 2010. (voir édito 27/10/21)


Notre modèle agricole dominant est à bout de souffle : 20% de nos émissions de gaz à effet de serre, une chute de la biodiversité, une tension croissante sur la ressource en eau, une forte dépendance aux importations, et une situation sociale des agriculteurs toujours précaire. Il est urgent d’en changer, et pour cela de disposer d’une vue prospective des possibles. 144 experts, des ateliers dans 4 régions d’Europe, ont permis d’imaginer trois scénarios - l’un à dominante technologique, un autre fondé sur la bonne santé des sols et les régimes alimentaires, le troisième à partir de paysages complexes et diversifiés - bien utiles pour choisir le chemin du changement attendu. Des scénarios encourageants : « En ce qui concerne la production agricole européenne, la production en calories varie de –5 % à +12 % selon les scénarios, avec un équilibre à trouver entre réduction de consommation de produits animaux et maintien des prairies. Sur la balance commerciale, globalement l’impact des scénarios 2 (Microbiomes sains) et 3 (Paysages emboîtés) donnent à l’Europe une marge de manœuvre pour assurer sa souveraineté alimentaire et être exportatrice. Les 3 scénarios permettent de réduire les émissions de GES de –8 % (scénario 1) à –20 % (scénario 2) et jusqu’à –37 % (scénario 3). Les 3 voies conduisent à augmenter le stock de carbone dans les sols et la biomasse pour contribuer à la neutralité carbone en 2050 pour le secteur agricole et agroalimentaire avec les scénarios 2 et 3 ». Le plus performant est celui qui s’approche le plus du concept « solutions fondées sur la nature ».
Quel que soit le scénario retenu, il faut actionner de nombreux leviers, et en bonne harmonie. Des leviers agricoles, sur les exploitations, de « la diversification des cultures dans le temps et l’espace », aux « mécanismes de régulation biologique à l’échelle du sol, de la parcelle et du paysage » et d’autres leviers sur l’aval de la production : « l’ensemble du système alimentaire doit être pris en compte dans cette reconception, en engageant tous les acteurs de la chaîne, du producteur au consommateur modifiant son régime alimentaire, en passant par les politiques publiques et réglementaires ».
La diversité de ces leviers, auxquels il faut ajouter le rôle de la politique agricole européenne, est à souligner. C’est une alchimie subtile, avec des facteurs humains, technologiques, financiers, qui doit être mise en œuvre, pour mobiliser tous les acteurs de « la chaine de valeur ». C’est la clé du succès. Les « Etats généraux de l’alimentation », inaugurés en 2017, seront-ils les lieux de construction de cette cohérence, à rechercher en outre à l’échelle européenne ?
Il va falloir un sérieux leadership et un talent exceptionnel de négociateur pour faire prendre cette mayonnaise, et avant tout mettre l’ensemble des participants à la même température. Même conscience des enjeux, et réelle ouverture d’esprit pour admettre de s’être engagé sur une mauvaise voie et accepter de changer de modèle.
C’est une règle générale, quand il s’agit de transformations profondes. Elles ne peuvent pas se faire contre les principaux acteurs, ou même une partie des intervenants dans la chaine de valeur. « Faire avec » est la condition du succès. Le dernier rapport du GIEC nous dit que les solutions existent, pour ne pas dépasser le cap des 1,5° de hausse des températures, le plus dur est de convaincre les intéressés de les mettre en musique.
Le développement durable est un défi. De quoi mobiliser tous ceux qui voudraient marquer leur passage sur cette terre.

EDito du 29 mars 2023

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