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La vertu récompensée ?

Vous partez en vacances, et les transporteurs, organisateurs ou autres voyagistes vous proposent de payer un peu plus pour compenser vos émissions de carbone. Objectif : des vacances neutres en carbone. Au final, un vrai paradoxe. Au lieu du pollueur payeur, c’est le vertueux qui doit sortir de l’argent pour l’environnement. Un autre mécanisme aurait pu être prévu. Tout le monde paye pour les émissions de carbone dont il est responsable, ce qui encouragerait les « vertueux » à choisir les modes de déplacement les plus performants côté carbone. Vous objecterez que les riches pourront polluer tout à loisir, et que les pauvres seront encore une fois les victimes d’une forme de discrimination. Oui, mais c’est un problème général. Les riches disposent de marges de manœuvre qui leur permettent d’échapper à certaines contraintes, nous le savons bien. La réponse est dans la lutte pour réduire les inégalités et dans les réglementations environnementales, qui rétablissent justement les contraintes nécessaires.

Le surcoût imposé au « vertueux » présente plusieurs conséquences néfastes.
Il accrédite l’idée que l’environnement coûte cher. C’est pour les riches, ou les bobos. L’opposition « fin du mois – fin du monde » est ravivée, et le climat est vite considéré comme un prétexte à augmenter les prix. Et puis il délégitime le principe pollueur payeur, puisque le contraire est affiché urbi et orbi, avec la bénédiction des pouvoirs publics, et la complicité d’ONG environnementales qui en bénéficient. Son seul avantage serait de préparer les esprits à une différence de prix selon l’impact environnemental, avec en perspective un retournement en faveur du vertueux. Aujourd’hui, cotisation volontaire, et demain, taxe pour les derniers de la classe environnementale ?
Le cas du timbre-poste montre que cette autre logique est possible. Le timbre vert a été créé pour orienter le choix des usagers de la poste vers des modes d’acheminement plus « verts ». Si vous voulez du rapide, avec usage de moyens de transport plus polluants, vous payerez le prix fort, le timbre rouge. Un signal prix qui permet de prendre conscience que la vitesse, 24h chrono, n’est pas nécessaire la plupart du temps, et qu’un peu de discernement permet de faire une économie, bonne pour vous comme pour la planète. Le timbre gris, encore moins cher, et moins performant sur les délais, devrait être encore meilleur pour l’environnement, mais je n’ai pas trouvé d’engagement de la poste sur ce sujet. Gardons quand même à l’esprit le principe d’un différentiel de prix favorable à ceux pour qui l’environnement n’est pas un vain mot. Le contraire de ce qui se passe dans le transport.
Autre sujet fort en ces temps d’inquiétude sur le pouvoir d’achat, l’alimentation. Bio ou pas bio ? Le bio est réputé plus cher. Il demande plus de travail, et les rendements seraient moins bons, et ces conditions se répercutent sur les prix. Les nombreuses manifestations paysannes nous montrent que le problème de la rémunération des agriculteurs est un vrai problème, et que d’une manière générale les prix des produits agricoles ne permettent guère d’offrir aux producteurs le niveau de rémunération auquel il pourrait prétendre. Il faudra sans doute que nous acceptions de payer le juste prix notre alimentation. Cela dit, le bio se vend plus cher sur les marchés et dans les magasins, alors que son processus de production est favorable à l’environnement. Respect des sols et de la biodiversité, paysage, qualité et régime des eaux. Il est favorable à l’économie locale, avec des emplois et le plus souvent des circuits courts, à l’inverse des grandes cultures qui fonctionnent sur les marchés internationaux. Les produits sont bons pour la santé, et la crise de la COVID nous a rappelé que la santé a une valeur collective inestimable. Voilà donc une pratique bonne à tous égards, environnement, emploi, santé, mais qui coute plus cher pour le consommateur. Curieux, n’est-ce pas ?
Le consommateur a malgré tout une manière de manger bio sans alourdir son budget. En changeant légèrement ses menus. Un peu moins de produits animaux, les plus chers, au profit des produits végétaux, et il retrouve une marge qui lui permet de manger mieux, et plus équilibré.
Le respect de l’environnement est source d’économies. Celles-ci sont en grande partie au bénéfice de la collectivité, car le non-respect est source de dégradations multiples, pollutions qui coûtent cher en matière de santé, de dépollution et d’usines de traitement, de réchauffement climatique, etc. qui sont payées par nous tous, d’une manière ou d’une autre, sécurité sociale, prix de l’eau potable, assurances, etc. sans compter le coût humain des maladies et de la malbouffe, pour ne prendre que deux exemples. Le principe pollueur-payeur est une sorte de courroie de rappel, mais il est manifestement insuffisant. La transition en cours est une occasion d’imaginer de nouveaux mécanismes pour favoriser les comportements bons pur la planète, et que les économies réalisées en respectant l’environnement bénéficient aussi à leurs auteurs. En complément du pollueur-payeur, le « vertueux récompensé ».

Edito du 20 juillet 2022

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