Finalité
Il arrive que l’environnement soit présenté comme l’axe majeur d’un projet de construction. C’est mélanger la contrainte et l’objectif recherché. Une mise au point sur la finalité d’un projet s’impose.
Au cours de la présentation d’une opération d’aménagement, j’ai pu lire cette affirmation, en plein milieu d’une diapositive : la haute qualité environnementale fait le projet.
Ils n’ont rien compris ! L’objet même d’un bâtiment n’est pas de respecter l’Environnement, ou de faire faire des Economies d’énergie, mais d’offrir à ses occupants un cadre de vie où ils pourront être heureux.
Ce type de déclaration me met en Colère, et devrait faire bouillir bien des hommes de l’art. C’est comme si on disait : le fait que la maison tienne debout fait le projet. C’est la moindre des choses que la maison tienne debout, mais il faut espérer que le projet ne se limite pas à ça !
La haute qualité environnementale est de même nature que ces Qualités de base qu’il est légitime d’attendre de tout bâtiment. Un bâtiment doit intégrer les préoccupations de son Temps. Certaines sont permanentes, mais prennent des formes nouvelles : la Santé est une préoccupation récurrente, mais fait aujourd’hui l’objet d’exigences renforcées, qui doivent se retrouver dans la conception, la réalisation et la vie courante d’un bâtiment. D’autres sont récentes, telles que la lutte contre l’effet de serre. Les réponses à ces préoccupations doivent être apportées dans chaque projet, au même titre que le clos et le couvert. Il ne s’agit pas de norme ni de Règlement, mais d’une traduction dans l’activité de la construction du souci de s’inscrire dans son époque et d’assumer sa part de Responsabilité dans les grands phénomènes que nos connaissons.
Il faut sans doute le rappeler : notre époque est extraordinaire, au sens plein du terme. Nous sommes arrivés aux Limites de la planète. Celle-ci produit généreusement les Ressources dont nous avons besoin pour vivre, mais nous prélevons chaque année un peu plus, et nous avons dépassé le point d’équilibre. Dans bien des domaines, nous consommons plus que ce que la planète peut fournir. Ne nous satisfaisant plus du flux, nous tapons dans le stock : Nous attaquons le Capital, et par suite nous réduisons sa capacité à produire. Une spirale inquiétante dont il est urgent de sortir. C’est le défi du 21e siècle, auquel le bâtiment doit « apporter sa pierre ».
Pas de construction sans qualité environnementale, quelle que soit la manière d’y parvenir. Ce n’est pas nouveau, mais la pression s’est accentuée.
D’une part, d’autres priorités ont fait oublier ou négliger cette exigence, et les pratiques s’en sont affranchies. Les Cultures professionnelles, les Compétences, les sensibilités sont à reprendre pour y réintroduire l’environnement. Les inerties sont nombreuses, dans les Systèmes de formation, et les Mentalités ; les décalages entre les nombreuses professions qui participent à la construction, et la concurrence avec d’autres préoccupations, notamment d’ordre social poussent aussi à dire « on verra ça plus tard ».
D’autre part, nous connaissons mieux aujourd’hui le domaine de l’environnement et ses interfaces avec la construction. Nous intégrons le cycle de vie, les Impacts indirects. Nous sommes dans la complexité, à la fois du côté du bâtiment, avec les Usage s qui en seront fait tout au long de sa vie, et de l’environnement aux multiples facettes, des plus visibles comme le Paysage ou le « confort visuel » aux insidieuses comme la Qualité de l’Air intérieur. Nous pouvons décrire des exigences et proposer des objectifs de qualité. Mais le simple respect de ces préoccupations ne peut faire un projet. C’est comme si l’intendance prenait le Pouvoir. L’intendance est incontournable, mais ne se substitue pas à la finalité, qui doit rester la base du projet.
La fonction des normes, règlements, et autres Labels ne peut être de porter un projet. Il s’agit d’un recueil de préoccupations, qui ne sont pas créées par la norme ou le règlement, mais qui traduisent les besoins ressentis. Ces ont des Contraintes auxquelles il faut répondre, et il n’est pas surprenant qu’elles apparaissent, dans un premier temps, comme une difficulté supplémentaire dont chacun se serait bien passé. Les Démarches de type HQE sont là pour aider à en faire l’inventaire, et proposer des méthodes, de type démarche de la qualité, pour les intégrer. Leur objet est de libérer la Créativité du concepteur, en prenant en charge cette « intendance », incontournable mais secondaire par rapport aux finalités du projet, domaine où se manifeste la qualité architecturale. Mais soyons clair, cette dernière n’aurait aucun sens si elle ne prenait pas appui sur la qualité environnementale dans toutes ses dimensions, de la santé et du confort des occupants à l’économie de ressources et à la bonne implantation.
Les démarches de type HQE ne sont pas une obligation, mais elles ont le mérite d’exister et de permettre de capitaliser des retours d’expérience. Elles présentent aussi l’avantage de toucher toutes les professions du bâtiment, qui doivent s’accorder pour trouver des réponses satisfaisantes à ces Défis technologiques. Personne n’a la solution à soi tout seul, et il faut apprendre à travailler ensemble. L’environnement est à cet égard un excellent catalyseur de Progrès. Il ne doit pas pour autant « faire le projet ». La contrainte, si légitime soit-elle, ne doit pas faire oublier la finalité.
Chronique mise en ligne le 5 jullet 2013
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