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Ville et Campagne

Territoire

territoire gauguinPas de perspectives d’avenir sans histoire, pas de développement durable sans territoire. La mondialisation a parfois fait oublier l’importance du territoire, mais ce dernier montre encore sa vigueur.

Paradoxalement, la mondialisation renforce le rôle du territoire. Chacun ressent un besoin d’ancrage dans une société de taille humaine, avec ses repères et sa culture. Le terme de territoire recouvre ici bien plus qu’un morceau de terre, qu’un sol.

C’est aussi son histoire et sa géographie, son économie, ses populations, son patrimoine, sa cuisine traditionnelle, sa langue, son climat, les influences auxquelles il est soumis et bien d’autres choses encore. L’ouverture des échanges marchands, culturels, éducatifs, touristiques, la mondialisation de fait, qu’elle soit matérielle ou immatérielle avec les liaisons Internet et les satellites, présente de nombreux bienfaits, ne serait-ce que la prise de conscience de notre solidarité en tant que citoyens du monde. Elle permet aussi de comparer des modes de vie, et de relativiser nos petits problèmes. Elle provoque, en retour, une certaine angoisse face à l’infiniment grand, et le sentiment d’impuissance qui en résulte souvent.
La mondialisation provoque ainsi le besoin de « territorialisation ». Il faut pouvoir, face au « grand large », retrouver le cocon du pays, avec son identité et ses repères. Nous vivons simultanément dans plusieurs échelles d’espace. Il faut les faire cohabiter. La tendance à la massification, au XXL, aux fusions d’entreprises, l’obsession parfois exprimée des grandes unités et des « champions » internationaux, a pu faire oublier l’importance de la proximité. Les facilités de mobilité, à toutes les échelles, pour aller à la ville voisine ou pour voler d’un continent à un autre, ont accentué cette évolution, suscitant des réactions diverses. Certaines sont défensives, voire agressives : sentiment d’abandon face à la désertification de régions entières, révolte des « invisibles », souverainisme et montée de nationalismes locaux. D’autres sont plus constructives, comme la création de monnaies locales, de circuits courts d’approvisionnement, de réseaux de solidarité et d’échanges, de systèmes de financement mutuels, etc.
La production agricole illustre bien ces deux tendances, internationale d’un côté, avec des marchés et des cours mondiaux, et locale de l’autre, avec les AMAP, les foires et les marchés populaires dans les villes et les villages. L’industrie a plus de mal, mais le concept de parc éco industriel répond à ce besoin de rapprocher dans l’espace des acteurs solidaires par la nature de leurs demandes et de leurs rejets. Il y a aussi l’industrie qui tire ses matières premières du sol ou du sous-sol, associée de fait à un territoire, comme l’ont été les grandes forges de jadis, proches des forêts et des rivières. Les industriels qui investissent à long terme sur un site ont tout intérêt à s’intégrer à l’économie locale, pour se sentir à l’aise dans leur territoire. Ça se faisait tout simplement quand les dirigeants étaient eux-mêmes des enfants du pays, c’est devenu une obligation de « bonne gouvernance » au fur et à mesure que les entreprises ont pris de l’envergure, et que leurs dirigeants se recrutent bien loin des lieux de production.
Le paradoxe le plus marquant vient sans doute de l’agriculture, activité liée au sol s’il en est, au terroir, à la terre, et qui s’est installée depuis quelques dizaines d’années dans une approche mondiale. Mondiale aussi bien pour ses achats de produits, son « matériel génétique », les aliments pour le bétail, les machines de toutes sortes, que pour ses ventes, sur les marchés internationaux. Cet éloignement de l’agriculture et de son territoire entraîne par ailleurs un besoin considérable de transports, et une dépendance par rapport à des phénomènes lointains et incontrôlables. Les effets de sècheresses à l’autre bout du monde se font sentir tout comme les embargos décidés pour des motifs géopolitiques.
Les apports de l’agriculture à son territoire se sont aussi appauvris. En dehors des revenus et des impôts, le lien s’est distendu. L’agriculture ne fournit plus les marchés locaux, et les consommateurs trouvent dans les grandes surfaces des produits du monde entier, et parfois ceux de chez eux, revenus après un long périple où ils ont été transformés et conditionnés. L’exemple du yaourt qui parcoure des milliers de kilomètres pour approcher du consommateur est éloquent à cet égard. L’agriculture ne remplit plus non plus des fonctions « gratuites » dont leurs territoires bénéficiaient de fait, comme la qualité d’un paysage, la lutte contre l’érosion, la maitrise des eaux.
Ce constat n’est pas général, et il existe fort heureusement des exemples où l’agriculture est restée en symbiose avec son territoire, mais la tendance est bien là, la tentation de l’agriculture de faire abstraction de son territoire. La résistance s’organise face à ce phénomène. Les circuits courts et les marchés locaux en sont des illustrations évidentes ; les cahiers des charges des appellations contrôlées ou protégées, et des différents labels, favorisent une implantation locale et le respect de savoir-faire attachés à un territoire.
Mettons l’accent, pour conclure, sur un effort de reterritorialisation de l’agriculture, à l’initiative des départements. C’est un mouvement, comme l’ont pu l’être en leur temps ceux des auberges de jeunesse et des MJC, maisons des jeunes et de la culture. A l’heure des réseaux, il ne s’agit plus de maisons mais de plateformes. Les échanges de proximité ne se font plus spontanément, et bien facilitons-les grâce à l’informatique, en réglant au passage différents problèmes formels tels que le respect des règles des marchés publics. Une association, dont le nom est Agrilocal (1), est fondée en juillet 2013 et compte aujourd’hui un quart des départements de métropole. Une belle dynamique pour « ramener de la valeur ajoutée aux producteurs, développer les circuits de proximité, encourager le développement de l’agriculture biologique, faciliter l’accès à des denrées de qualité, développer et promouvoir une restauration collective de « plaisir » et éduquer aux goûts », notamment par la valorisation de patrimoines culinaires. Bon vent à Agrilocal !

 


1 - http://www.agrilocal.fr

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