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Ville et Campagne

Ruralité

Les campagnes ne sont plus ce qu’elles étaient. Elles ont connu une profonde mutation en quelques décennies. Que signifie la ruralité aujourd’hui, quelles perspectives pour allier ruralité et durabilité ?

La campagne a la vie dure. Depuis des années, il est de bon ton d’en annoncer la fin, l’avenir étant dans les villes. L’exode rural les a vidées de leur substance au profit des centres urbains. Les agriculteurs, autrefois part dominante de la population française ont vu leur effectif s’effondrer. Les hypermarchés ont sonné le glas des petits commerces dans les villages, qui ont dû fermer leurs écoles et vu s’effriter les services publics, notamment sanitaires. Sombre tableau, auquel il faut ajouter le vieillissement de la population et l’évolution d’une agriculture de plus en plus déterritorialisée, pour ses approvisionnements comme pour ses débouchés. Tristes campagnes, pourrait-on croire.

Malgré tout, les campagnes résistent. Il y a bien des régions où la désertification persiste, avec ce que l’on appelle la diagonale du vide, mais globalement, la population des communes rurales s’accroît depuis une trentaine d’années. Dans de nombreux « pays », les habitants se sont pris en main, ont apporté un réel dynamisme et ont fait naître des espoirs. Le mouvement démographique vers les campagnes est amorcé. La vigueur du mouvement associatif en milieu rural en témoigne. Il y a bien sûr des retraités, qui s’y installent pour leurs vieux jours, mais aussi des jeunes : un tiers des agriculteurs qui s’installent aujourd’hui sont des nouveaux venus, pour ne prendre que cet exemple.

La ruralité est à présent mise en avant comme une valeur de notre pays, mais de manière bien ambigüe. D’un côté, elle est associée à la chasse qu’il faut préserver, de l’autre c’est l’inverse : l’habitat rural est consommateur d’espaces, il contribue à l’artificialisation des sols et à l’effet de serre, c’est un modèle d’un autre temps qu’il faut abandonner. Tantôt les campagnes sont parées de toutes les vertus, tantôt elles sont considérées comme un reste du passé, un trait de notre histoire qui n’a plus sa place aujourd’hui. Les mots tels que « bouseux » expriment bien le mépris dont elles sont parfois l’objet.

Entre l’émerveillement béat de citadins en quête de nature, une nature souvent idéalisée, et le dédain de ceux qui pensent que « hors la ville, point de salut », est-il possible de dégager une approche à la fois réaliste et constructive de la ruralité ? Une recherche qui prend toute son importance avec le grand mouvement provoqué par le confinement et le télétravail. Celui-ci ouvre des perspectives nouvelles pour les campagnes et les petites villes. Une nouvelle ruralité émerge aujourd’hui, elle est promise à un bel avenir. Un avenir qui reste à construire, en respectant l’héritage et la culture propre à chaque pays, et en intégrant les apports de nouveaux arrivants. Il y aura bien sûr des désillusions, mais les néo-ruraux peuvent constituer une chance pour la ruralité. Comment tirer parti de cette affluence, comment en profiter pour accentuer le renouveau souvent observé dans les campagnes, comment rendre ce mouvement « durable » dans tous les sens du mot ? tel est l’enjeu aujourd’hui, qui ne semble pas avoir été perçu à sa juste valeur. Le problème de la réorganisation des bureaux et des modalités de travail est souvent évoqué, mais on ne parle guère de la nouvelle donne dans les campagnes, pourtant bien réelle.

Les obstacles sont nombreux, hausse des prix des maisons, chocs de cultures, méfiance réciproque, mais aussi des atouts, comme de nouveaux enfants dans les écoles, la diversification des ressources des communes, un bénévolat supplémentaire pour les associations. L’augmentation de la population permanente des communes rurales sera propice au retour de services et de commerces ; rendues attractives, les campagnes seront mieux armées pour trouver des compétences qui leur font défaut, comme les personnels de santé. La qualité de vie de tous, anciens et nouveaux, devrait s’en trouver améliorée. Un objectif qui ne sera pas atteint sans clairvoyance de la part des élus et des « forces vives » déjà en place, et une attitude bienveillante des services de l’Etat pour organiser le mouvement au lieu de le freiner.

Le renouveau de la ruralité est-il durable ? Ne va-t-il pas accentuer les mauvais points sur la biodiversité et l’effet de serre ? Le risque existe, mais ce n’est pas en luttant contre un phénomène inéluctable qu’il sera réduit, mais en l’accompagnant. L’aménagement du territoire, grand oublié de la Convention citoyenne pour le climat, la recherche d’un équilibre économique et social, entre les métropoles, le tissu des villes, petites et moyennes, et les campagnes, est une des leviers pour faire émerger les nouveaux modes de vie, de produire et de consommer. Une opportunité à saisir pour que le développement durable entre dans les mœurs.

 

 

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