Diesel
Le diesel est diversement apprécié. Côté consommateur et porte monnaie, très fréquent et légitime à bien des égards, le choix du diesel est le résultat d’un calcul rapide, où le nombre de kilomètres parcourus chaque année est la variable essentielle. Pour les personnes soucieuses de la qualité de l’air et de la santé publique, c’est tout autre chose : le diesel est une source importante de pollutions locales, avec en vedette des oxydes d'azote et surtout les particules. Celles-ci sont cancérigènes. Pour beaucoup, le diesel est ainsi devenu le symbole d’une technologie à combattre.
Est-ce le bon combat ? Le combat porte-t-il sur le carburant ou sur les particules ? Car le diesel offre de bonnes performances à d’autres égards, notamment en termes de consommations, et par suite d’effet de serre. Faut-il donc choisir entre la pollution globale, l’effet de serre, d’un côté, et la pollution locale, les particules, de l’autre ? En substituant le diesel à la particule pour désigner l’ennemi, on commet une erreur, on se trompe de combat. Heureusement, la recherche de solutions pour réduire le nombre de particules émises, et ensuite les piéger au bout du tuyau d’échappement n’a pas été interrompue, et le diesel devient de plus en plus propre. Il a toujours des défauts, mais l’essence en a également, et en attendant des transformations profondes dans nos modes de vie et de mobilité, le mieux est sans doute de diversifier les inconvénients, de manière à ce qu’aucun d’entre eux ne parvienne à des niveaux insupportables.
On a vite fait de se tromper de combat, de se fixer des objectifs qui empêchent de progresser. Les riverains de l’aéroport de Roissy Charles de Gaule en ont été des témoins, quand un ministre des transports s’est engagé à limiter le nombre annuel de passagers qui y passeraient, au lieu de se concentrer sur la vraie question : celle du bruit. L’objectif à se fixer ne concerne pas en premier lieu les passagers, mais le bruit des avions, que l’on peut réduire de plusieurs manières : exiger des compagnies des appareils moins bruyants, améliorer les procédures d’approche et d’envol, redéfinir les couloirs aériens, réduire le nombre de mouvements d’avions en favorisant les gros porteurs, etc. En portant le combat sur le nombre de passagers, le ministre a ainsi fermé la porte à d’autres solutions pour traiter le problème posé, il a réduit le champ du possible. Le développement durable, c’est bien au contraire, élargir le champ du possible, offrir une palette de solutions assez ouverte pour permettre une évolution diversifiée de nos sociétés, et mieux répartir leur pression sur les ressources.
Autre combat mal engagé : la densité. Nous n’aimons pas la densité, dans les villes et les grands ensembles. Nous l’opposons facilement à la qualité urbaine, à la qualité de vie. Ce faisant, on oublie que Paris est une ville très dense, dont les qualités sont vantées, à juste titre, et traduites dans la valeur des appartements. On oublie que la densité des grands ensembles, calculée en nombre d’habitants au mètre carré ou à l’hectare, est faible malgré leur apparence et la hauteur des barres et des tours. La qualité n’est pas l’ennemie de la densité, il y des densités d’excellente qualité, et de la non-densité de très mauvaise qualité. L’exigence doit porter sur la qualité, c’est là le vrai combat.
Dans le même ordre d’idée, la maison individuelle est mal vue des écolos. Elle consomme de l’espace, de l’énergie, et entraîne fatalement un recours massif à la voiture. Cette condamnation, qui n’est pas suivie de la majorité des Français, puisque 60% des logements neufs construits chaque année sont des maisons individuelles, pourrait entraîner une absence d’intérêt pour les vertus desdites maisons individuelles, vertus potentielles qu’il convient de concrétiser : recours plus aisé aux énergies diffuses, contact avec la nature, autoproduction de produits alimentaires, possibilité de traiter une partie des déchets sur place, infiltration et/ou récupération des eaux de pluie, etc. Ces qualités sont potentielles, elles ne se sont pas toujours au rendez-vous si on ne se donne pas les moyens de les obtenir. C’est là qu’est le combat, avec bien sûr son complémentaire, offrir une meilleurs qualité de vie en ville.
Se tromper de combat est donc fréquent, et constitue un obstacle dans la recherche de solutions. Cette erreur d’objectif se traduit parfois dans les mots. On l’a vu avec les partisans de l’« antimondialisation ». La plupart d’entre eux se sentant par ailleurs citoyen du monde, ils ont changé leur nom pour introduire le terme « alter » au lieu d’ « anti ». De même, aujourd’hui le terme « décroissance », qui a ses adeptes, représente t-il le vrai combat ? Le prendre comme tel, n’est-ce pas se priver de certaines pistes de progrès qui contiendrait des réponses aux problèmes du monde d’aujourd’hui, comme une croissance « dématérialisée » ? La recherche travaille aujourd'hui sur la maison « à énergie positive », une maison qui, au lieu de consommer de l’énergie, comme aujourd’hui, en produirait. Plutôt que la décroissance, ne faut-il pas parler d’une autre croissance, d’une « alter croissance », toujours pour ouvrir le champ du possible ?
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